Faby,
Tu m’envoyais un SMS la semaine dernière pour me demander quand je passais le dernier texte que tu avais écrit pour RoseUp.
Je t’ai répondu que nous avions la tête dans le guidon pour les reprogrammations de chirurgie mais que début décembre, j’éditais ton article, promis.
J’ai honte. J’avais oublié que « dans dix jours, dans un mois », quand on a un cancer métastatique, cela ne signifie pas grand-chose.
J’avais oublié que lorsqu’on fait la course avec la mort, chaque seconde compte.
J’avoue aussi que je te croyais indestructible. Que je te voyais si forte depuis dix ans, si combative toujours, que j’imaginais que rien, même le cancer, même le covid, ne pourrait t’arracher à nous.
Faby, je t’ai rencontrée il y a dix ans. C’était le début de Rose Magazine et personne ne donnait cher de ce magazine créé par des « journalistes cancéreuses ». Nous voulions changer la donne, porter la voix des malades. Nous rêvions que cesse le paternalisme qui faisait que des médecins hommes septuagénaires se sentaient légitimes à nous représenter, nous, les femmes touchées par le cancer. Nous voulions la même chose. Toi en chantant, moi en écrivant. C’est d’ailleurs le titre du premier article que j’ai écrit sur toi : « La porte-voix ».
Faby, j’ai suivi tes albums, parlé de tes combats, relayé tes levées de fonds pour que tes disques voient le jour, envié tes aventures artistiques. A chaque étape nous étions là, admiratives de ta volonté.
Faby, quand ton cancer est devenu métastatique, nous avons pleuré ensemble.
Faby, quand ton quotidien est devenu insupportable, fait de pauvreté, de galères et que la première association de cancer de France, pour qui pourtant tu avais chanté bénévolement, t’as refusé l’aide financière que tu avais demandé, au motif que tu n’étais « pas assez pauvre », toi qui mangeais à peine à ta faim, j’ai partagé ta rage. Tu en as fait un article plein de dépit et de colère : « Je suis une malade, pas une voleuse ».
Faby, je croyais bien te connaitre et j’ai découvert ton enfance abimée, ton passé de petite fille abandonnée, puis élevée sans amour, battue, à travers le superbe livre La Renverse qui témoignait d’un talent, d’un regard unique sur la vie. Ton regard, pareil à nul autre.
Faby, tu étais tellement intense qu’on se sentait toutes petites à côté de toi.
Faby tu étais, tu restes immense pour toute notre communauté.
Faby, comme tu le disais en signature de chacun de tes messages: fuck cancer.
Céline.