« Dur de regarder dans la glace, ce corps qui venait de me trahir. Ce matin-là, je me souviens. » C’est avec ces mots que Faby racontait le jour où les médecins lui ont annoncé son cancer du sein dans sa chanson « Ce matin-là ». Une épreuve de plus pour cette auteure-interprète engagée, à la vie bien remplie. Cette année, elle a d’ailleurs décidé de coucher son histoire sur le papier dans un livre « La renverse » qui doit paraître début mars chez Fauves Editions.
« Comment faire quand la vie vous renverse ? » Cette interrogation sera le point de départ de ce nouveau projet. « J’ai passé 18 mois obligée de rester devant un écran, l’écriture est mon moyen d’expression, raconte Faby. C’était une thérapie au début, puis je me suis rendue compte que mon parcours était porteur d’espoir. » Car l’histoire de Faby, c’est une vie « où j’essaye de naviguer à travers le bouillon ». Faire face, c’est ça pour elle la résilience.
Ce matin-là
Depuis 12 ans, Faby fait face un cancer. Tout commence le 14 avril 2008 quand elle découvre une petite boule dans son sein. Elle sent toute de suite que c’est grave. Après des examens supplémentaires, le verdict tombe : c’est une tumeur cancéreuse. « J’étais dans un état de sidération, je n’entendais que des bribes de l’annonce du médecin, se souvient la chanteuse. J’étais comme sortie de mon corps et j’observais la scène. »
À l’époque, Faby est déjà chanteuse. Elle joue dans des pianos-bars et des soirées privées où elle interprète les chansons des autres. Sur scène, elle cache sa maladie. « Les artistes n’assumaient pas beaucoup d’avoir un cancer à l’époque. C’était une forme de protection. » La musique l’aide à traverser les traitements. « En pleine radiothérapie je préparais mon premier concert aux Sentiers des Halles à Paris. Cela m’a aidé à tenir, à me projeter plus loin ». Quand elle est déclarée en rémission 5 mois plus tard, elle décide de vivre enfin pour elle. Elle a 37 ans. Elle écrira désormais ses propres chansons, notamment « Ce matin-là », en 2009.
« Une épée de Damoclès perpétuelle »
Après un an de rémission, en 2013 le cancer récidive violemment. Elle a des métastases au foie et aux os. L’artiste apprend la nouvelle, dans un couloir, devant tout le monde et demande au médecin si elle est foutue. On lui annonce 2 à 3 ans à vivre. « La colère est insupportable, le sentiment d’injustice aussi, raconte Faby. J’ai tout accepté, pris les traitements mais le cancer s’est propagé et il faut livrer un nouveau combat pour sa vie. »
Elle entre en chimiothérapie pour 6 mois, hospitalisée à chaque séance et sous cortisone pour cause d’allergie. Le traitement fait reculer le cancer. Pendant 2 ans, la maladie lui offre une trêve mais depuis 2016, le cancer ne lui laisse à nouveau aucun répit. Malgré tout, avant de débuter un protocole de 18 mois de chimiothérapie lourde, elle se lance le défi d’enregistrer un album. « La renverse ». « Cela peut paraître courageux ou kamikaze. En réalité, je l’ai fait pour me donner du courage et la force de tenir. » Durant cette période, elle fait quelques scènes en France et en Belgique. « Je suis une artiste indépendante, je dois être multicarte : être ma propre productrice, mon agent, mon attachée de presse. C’est difficile car je traîne quelques boulets. Une chanteuse avec un cancer, cela ne fait pas rêver. »
Un nouveau spectacle à venir
Depuis sa dernière récidive, la maladie est devenue chronique. Elle alterne chimiothérapies et thérapies ciblées, ponctuées par les contrôles. « Pour l’instant les métastases ne reviennent pas sur les os, et reste malheureusement présentes sur le foie. D’où mon retour à une chimio plus lourde pour les semaines à venir. Pour être très honnête, j’ai toujours peur. C’est une épée de Damoclès perpétuelle, et je n’ai pas de répit », ajoute-t-elle. Comme toujours dans son parcours, la lumière vient de ses 2 filles mais aussi de la musique.
En plus de son livre, Faby prépare actuellement un spectacle musical : « La nuit de la photo et du film court ». Une production qui existe depuis 10 ans, incarnée par Anne Vanderlove, chanteuse mythique des années yéyés, décédée cette année d’un cancer du pancréas. Lors de sa participation à l’émission « Ça commence aujourd’hui », Faby est repérée par la productrice, Sandrine Bourbigot, pour prendre la relève. Le texte, les chansons : cela tombe pile dans l’univers de la chanteuse.
Sur un grand écran, en plein air, des centaines de photos et quelques courts-métrages du monde entier défileront au son de la voix de Faby. Les thèmes sont engagés : les migrants, pauvreté, féminicides… « Le spectacle évoque les passeurs d’humanité, raconte la chanteuse. Les artistes ont un rôle à jouer : mettre en lumière les sujets dont on ne parle pas ! ». Les problèmes sociétaux ont toujours guidé son écriture. Son engagement aux côtés des « sans-voix » est guidée par ses inspirations : Renaud, Balavoine… mais aussi son histoire personnelle.
« Je ne pouvais pas mener tous les combats »
« J’ai été une enfant et une femme battue, confie Faby. Je crois en la force du témoignage et c’est formidable que la parole se libère. » Enfant de la DDASS, la chanteuse ne connait pas vraiment ses origines. Elle est recueillie à l’âge de 4 ans par une famille qui ne lui donne aucun amour. Au contraire elle subit la violence et les brimades. « Adolescente, je voulais être concertiste, je faisais du piano et du violoncelle. Mais mon rêve s’est évanoui à la suite de maltraitances », raconte-t-elle. Elle se rabat sur le chant et ne lâche plus le micro. Dès sa première audition de musique classique, elle le sent. C’est par la scène qu’elle va trouver l’amour qui lui manque tant.
Elle connait aussi la violence dans ses relations amoureuses. Un homme, puis une femme s’en prennent physiquement à elle. La dernière pendant ses traitements de radiothérapie. Pendant une des séances justement, la radiothérapeute constate les marques sur son corps. « Quand elle m’a interrogée, je lui ai répondu que j’étais tombée en forêt. Elle a insisté mais je lui ai répondu que je ne pouvais pas mener tous les combats en même temps », se souvient Faby. Elle réussit à quitter cette femme peu après la fin des traitements. « C’était impossible de le faire pendant, avoue la quinquagénaire. Les associations n’ont malheureusement pas les fonds pour accompagner les victimes de violences. Quand on porte plainte, on rentre chez soi ! » se désole-t-elle.
Le studio, « une respiration »
L’enregistrement de l’album du spectacle commencera au mois de février. Ce sera le 6ème pour la chanteuse. Et Faby attend avec impatience ces heures de travail au studio. « C’est une respiration, confesse-t-elle. Des moments de vie auxquels je m’accroche. » Une tournée est déjà prévue en Bretagne cet été, puis dans toute la France l’année suivante. « On avisera en fonction de mon état » explique l’artiste. Plus que tout, elle attend de monter sur scène. « Le jour le plus important de ma vie, c’était à l’époque de la chanson ‘Ce matin-là’. Je participais à un concert caritatif et, avant de monter sur scène, j’ai entendu le public scander mon nom. Je veux encore ce moment. J’écris pour ça. M’imaginer sur scène, c’est mon gardien de vie ».
Faby continue de lutter au jour le jour, malgré la solitude que lui impose sa maladie. L’artiste déteste d’ailleurs l’idée d’un combat. « On emploie beaucoup ces mots : « warrior », « se battre ». Je l’ai fait aussi, je collais aux dictats du politiquement correct. Mais je crois que s’il suffisait d’être courageuse, nous serions tous vivants. Le cancer ne m’a pas rendue plus forte, il m’a juste appris à me connaître. »
Des rêves à accomplir
La chanteuse reste mobilisée dans la lutte contre le cancer, et a décidé, depuis sa dernière mésaventure avec une importante association de patients, de ne donner sa voix qu’aux petites structures. Faby tente également d’alerter sur le sort des malades, notamment victimes de précarité. Elle-même se retrouve souvent dans des situations délicates. Elle n’hésite alors pas à solliciter l’aide de tous, pour poursuivre ses projets musicaux.
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Ces 2 nouveaux projets pour l’année 2020 sont synonymes de nouveaux espoirs. « Je veux rester le plus longtemps possible. Pour mes enfants d’abord. Et puis, pour réaliser mes rêves : faire l’Olympia et collaborer avec Benjamin Biolay. Je n’ai pas l’intention de quitter cette terre avant ! » Et pourquoi pas une scène aux Francofolies de la Rochelle, son festival préféré ? Finalement si Faby creuse, il y a encore beaucoup de rêves à réaliser.
Mathilde Durand