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ESMO 2024. Ce qu’il faut retenir des dernières avancées en oncologie

{{ config.mag.article.published }} 20 septembre 2024

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Comme chaque année, de nouveaux traitements contre le cancer sont présentés au congrès européen de l'ESMO. On décrypte pour vous ceux qui vont changer la prise en charge des patients.

Cancers du sein

Vers des radiothérapies plus courtes

On savait que la radiothérapie hypofractionnée, comprenant 15 séances sur 3 semaines, était aussi efficace que le traitement standard (25 séances sur 5 semaines) et ne provoquait pas plus d’effets secondaires dans les cancers du sein localisés sans atteinte ganglionnaire.

L’étude française HypoG-01 vient de le démontrer que c’est également le cas si les ganglions sont touchés.

Ces nouveaux résultats devraient conduire à la généralisation de la radiothérapie hypofractionnée qui peine aujourd’hui à être déployée en France, malgré le bénéfice qu’elle apporte aux patients en termes de qualité de vie.

L’immunothérapie en périopératoire dans les triples négatifs

Il y a 2 ans, les résultats de l’étude Keynote-522 avait montré que l’ajout du pembrolizumab, une immunothérapie anti-PD1, avant et après la chirurgie1 permettait de réduire significativement le risque de rechute chez des patientes touchées par un cancer du sein triple négatif de stade 2 ou 32 .

Les résultats actualisés, présentés cette année à l’ESMO, confirment le bénéfice de cette immunothérapie : 6 ans après les traitements, le risque de récidive est réduit de 35% et celui de décès de 34%.

Le pembrolizumab est déjà accessible en France dans cette indication depuis 2022 grâce un accès précoce3 obtenu sur la base des premiers résultats. Ces nouveaux résultats ne font que confirmer que le pembrolizumab doit être proposé à toutes les femmes touchées par un cancer du sein triple négatif de stade 2 ou 32 , avant toute chirurgie.

Cancers du poumon : de multiples cibles possibles

Pas des grandes annonces cette année à l’ESMO concernant le traitement des cancers du poumon. En revanche, plusieurs études montrent qu’activer nos défenses immunitaires par plusieurs mécanismes améliore le contrôle de la maladie, sans pour autant augmenter les effets secondaires.

C’est le cas notamment de l’étude RELATIVITY-104, présentée par le Pr Nicolas Girard, oncologue à l’Institut Curie. Dans cet essai clinique de phase 2, deux immunothérapies capables de réactiver notre système immunitaire par des voies différentes ont été combinées : le relatlimab en ciblant LAG3 et le nivolumab en ciblant PD1. Les premiers résultats, qui doivent être confirmés, montrent une diminution du risque de rechute chez certains patients présentant une maladie avancée ou métastatique.

D’autres pistes cherchent également à combiner des immunothérapies avec des traitements ciblant cette fois le microenvironnement tumoral dont on sait qu’il peut contribuer à la croissance des cellules cancéreuses ou à « éteindre » notre système immunitaire.

Pour le Pr Girard, l’enjeu est maintenant de « mieux personnaliser les traitements d’immunothérapie en identifiant les patients qui ont besoin de ces combinaisons de traitements et ceux à qui n’en ont pas besoin. » Une étude conduite aux Pays-Bas montre en effet qu’il est possible de réduire les doses d’immunothérapie, sans perdre en efficacité, chez certains patients.

Cancers gynécologiques : les ADC comme traitement d’avenir

L’ESMO 2024 signe l’avènement des ADC, ces chimiothérapies véhiculées au coeur de la tumeur grâce à des anticorps. « Il s’agit de la grande voie thérapeutique d’avenir dans les cancers gynécologiques » confirme le Dr Manuel Rodrigues, oncologue et chercheur à l’Institut Curie.

Tout l’enjeu de ces nouveaux traitements est de trouver une cible pour l’anticorps qui soit présente à la surface des cellules cancéreuses mais pas (ou peu) sur les cellules saines. Différentes pistes ont été présentées à l’ESMO : Trop2, anti-CDH6, récepteur aux folates… Des essais cliniques de phase 3 sont en cours ou vont démarrer pour démontrer leur efficacité.

Un ADC est d’ores et déjà autorisé par l’agence européenne des médicaments (EMA) et devrait bientôt arriver en France : il s’agit du mirvetuximab soravtansine. Cet ADC est indiqué chez les patientes ayant rechuté après une chimiothérapie aux sels de platine et dont la tumeur exprime le récepteur alpha au folate (cible de cet ADC).

 

Cancers de la vessie : l’immunothérapie change la donne

Lorsque le cancer de la vessie infiltre le muscle vésical, le traitement de référence consiste à administrer une chimiothérapie avant de retirer la vessie. Malgré ces traitements, les risques de rechute et de décès restent élevés.

L’étude NIAGARA vient de montrer qu’ajouter l’immunothérapie anti-PDL1 durvalumab (Imfinzi©) en périopératoire – c’est-à-dire avant et après la chirurgie1 – permet de réduire de 32% le risque de rechute ou de progression de la maladie, et de 25% le risque de décès.

Au vu de ces résultats, le durvalumab devrait intégrer le protocole standard de traitement dès qu’il sera disponible en France. Au moment où nous écrivons cet article, nous ne savons pas si un accès précoce3 a été demandé par le laboratoire Astrazeneca qui développe ce médicament.

Cancer du colon : l’immunothérapie néoadjuvante incontournable

Parmi les patients touchés par un cancer du colon, 15% présentent dans leur tumeur une altération de l’ADN appelée MSI (pour instabilité microsatellitaire) qui la rend particulièrement sensible à l’immunothérapie mais peu à la chimiothérapie.

Plusieurs études présentées cette année à l’ESMO ont cherché à savoir s’il était possible, chez ces patients, de se passer de chimiothérapie et d’administrer à la place une immunothérapie néodjuvante, c’est-à-dire avant d’opérer.

L’étude NICHE-2, pour ne citer qu’elle, a ainsi testé une combinaison de 2 immunothérapies appartenant à la classe des inhibiteurs de points de contrôle (l’anti-CTLA-4 ipilimumab et l’anti-PD1 nivolumab) chez des patients à un stade avancé de la maladie (mais non métastatique). Les résultats sont sans appel : 3 ans après les traitements, aucun des patients traités n’a rechuté. Le taux de récidive est habituellement de 25%.

« Au vu de ces résultats majeurs, l’immunothérapie néoadjuvante devient le nouveau standard de traitement dans ces cancers, commente le Dr Marc Hilmi, oncologue à l’Institut Curie. Nous n’avons pas pour le moment accès à ces traitements mais des essais cliniques en cours en France nous permettent d’en faire bénéficier nos patients, en attendant leur autorisation dans cette indication. »

Cancer du rectum : la chirurgie pas forcément nécessaire

Quand le cancer du rectum est localisé et opérable, le traitement standard consiste à administrer une chimiothérapie puis une radio-chimiothérapie avant d’opérer.

Une étude vient de montrer que le fait d’opérer ou non n’a pas d’impact sur l’espérance de vie des patients. « On pourrait donc préserver le rectum, sans mettre en danger la vie des patientes » commente Dr Marc Hilmi, oncologue à l’Institut Curie. Et par là même, améliorer leur qualité de vie en leur évitant les complications liées à la chirurgie, notamment sexuelles et urinaires.

Cancer du canal anal : l’immunothérapie en renfort de la chimio

Dans les cancers du canal anal métastatiques non opérables, la chimiothérapie était jusque-là la seule option.

L’étude PODIUM-303 montre que l’ajout d’une immunothérapie (l’anti-PD1 retifanlimab) permet de prolonger l’espérance de vie des patients de 6 mois.

Ce traitement devrait donc intégrer la pratique courante dès qu’il sera disponible en France. Nous ne savons pas pour l’heure si le laboratoire Incyte, qui développe cette immunothérapie, a fait une demande d’accès précoce3.

Cancer de l’estomac et du pancréas : abandon de la radiothérapie néoadjuvante

Une fois n’est pas coutume, ce sont cette fois des résultats négatifs qui vont conduire à un changement de pratique.

Dans les cancers de l’estomac et du pancréas localisés, des études ont en effet montrer que réaliser une radiothérapie, en plus de la chimiothérapie, avant d’opérer n’améliore pas l’espérance de vie des patients.

« Jusqu’à aujourd’hui, le rôle de la radiothérapie péri-opératoire était à définir. Ces résultats montrent que c’est une pratique qu’il faut éviter dans ces 2 types de cancers » conclut le Dr Hilmi.

Cancer de l’estomac : l’immunothérapie prend de l’ampleur

Comme c’est le cas dans les cancers du sein, certains cancers de l’estomac et du bas oesophage expriment le marqueur HER-2. Le traitement standard est alors la combinaison d’une chimiothérapie et d’une thérapie bloquant le HER-2 (anticorps anti-HER2).

L’étude Keynote-811 montre qu’ajouter une immunothérapie (l’anti-PD1 pembrolizumab) améliore de 20% l’espérance de vie des patients à un stade métastatique.

Là encore, ces résultats devraient changer les pratiques. Le pembrolizumab n’est pas encore accessible en France pour cette indication et nous ne savons pas au moment où nous écrivons ces lignes si le laboratoire MSD a déposé une demande d’accès précoce.

Merci au Dr Rogrigues, au Dr Hilmi, au Pr Girard et au Pr Saghatchian pour leur aide dans l’écriture de cet article.

1. L’immunothérapie est administrée en combinaison à une chimiothérapie avant la chirurgie, et seule après la chirurgie.
2. Le stade 2 correspond à des tumeurs de plus de 2 cm, le stade 3 à une atteinte ganglionnaire.
3. L’accès précoce permet de prescrire un médicament avant son autorisation sur le marché afin que les patients en bénéficient plus rapidement. Il est demandé par le laboratoire qui développe le médicament.


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Emilie Groyer

Docteur en biologie, journaliste scientifique et rédactrice en chef du site web de Rose magazine

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