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ESMO 2021. RoseUp et Kantar Health présentent pour la première fois les résultats d’une étude sur le chemofog

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Dans le cadre du prestigieux congrès européen d'oncologie de l'ESMO, RoseUp et Kantar Health présentent deux posters sur l'incidence et l'impact du chemofog chez les femmes atteintes de cancer du sein. Une première pour l'association qui espère ainsi sensibiliser les professionnels de santé et les pouvoirs publics à ce trouble encore mal connu.

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2018. Stéphanie Fechner assiste à une conférence dans laquelle Céline Lis Raoux, directrice générale de RoseUp, intervient pour parler du chemofog. Chemofog. Elle ne connait pas ce mot. La directrice sénior de Kantar Health, une société d’étude de marché et de conseil spécialisée dans la santé, conduit pourtant quotidiennement des études dans le domaine de l’oncologie. À son retour, elle en parle à ses collègues, parmi lesquels des médecins, qui reconnaissent également leur ignorance concernant ce trouble qui impacte la mémoire et la concentration des personnes atteintes de cancer.

Un hiatus entre les études et la vie réelle

Kantar décide alors de réaliser une « petite » étude qualitative auprès de quelques oncologues et patients. Ils analysent la littérature scientifique. Assez pauvre dans le domaine. Puis, les médias sociaux pour recueillir la voix des personnes concernées. Le hiatus est saisissant. « Il y avait de nombreux témoignages de femmes qui parlaient de leurs difficultés, qui prenaient en photo les clés qu’elles avaient oubliées dans le frigo, le gâteau qu’elles avaient laissé brûler dans le four… raconte Stéphanie Fechner. Ça m’a touchée. Je me suis dit qu’il fallait qu’on en parle. Porter plus haut la voix des patientes. Nous avons les outils pour donner des chiffres. On les a mis à contribution. Gratuitement. »

Chantal Touboul, également directrice senior chez Kantar Health, propose alors à RoseUp de concevoir une étude, quantitative cette fois, afin d’évaluer l’ampleur du phénomène et son impact réel dans la vie des personnes touchées. « On a bâti ensemble un questionnaire avec l’aide de Jean Petrucci », explique Isabelle Huet, directrice générale adjointe de l’association. Le psychologue clinicien spécialisé en neuropsychologie connait bien le sujet. Il anime par ailleurs des webinaires sur les troubles cognitifs pour RoseUp ainsi que des ateliers de remédiation cognitive au sein des Maisons Rose. « On s’est reposé sur des questionnaires validés scientifiquement pour évaluer les troubles cognitifs ainsi que l’anxiété et la dépression. Mais nous voulions également récolter des données sur la qualité de vie car on en manque en France. Les études actuelles portent surtout sur la description des troubles mais peu sur leur manifestation au quotidien dans tous les domaines de vie. Nous avons donc créé de nouveaux questionnaires pour l’évaluer » explique le clinicien.

Le cancer peut causer des troubles cognitifs (mémoire, concentration) - roseupassociation - rosemagazineLIRE AUSSI : Retrouvez l’ensemble de nos articles sur les troubles cognitifs liés au cancer dans notre dossier.

 

Un taux de participation inégalé

Le questionnaire est relayé sur les réseaux sociaux de RoseUp sous le prétexte d’une étude sur la qualité de vie, pour ne pas biaiser les résultats. L’association jouit d’une communauté très active. Plus de 1600 femmes atteintes d’un cancer du sein y répondent dans un temps record. « C’était inespéré, admet Jean Petrucci. Nous avions pris un risque avec ce questionnaire qui prend une demi-heure à compléter. C’est déjà fastidieux pour une personne lambda. Alors imaginez pour une personne qui a du mal à se concentrer… »

« Avec une telle participation, on se devait de publier » explique Stéphanie Fechner. L’étude fera l’objet de 2 publications – une axée sur la description du phénomène, l’autre sur l’impact dans la vie réelle – présentées sous la forme de posters dans le cadre prestigieux du congrès européen d’oncologie de l’ESMO. Une première pour RoseUp. « Nous sommes très fières d’avoir été sélectionnées, se réjouit Isabelle Huet. C’est une reconnaissance de notre travail d’association de patients. »

Le risque d’un repli sur soi

L’étude confirme qu’une majorité de femmes touchées par un cancer du sein déclarent souffrir de chemofog : 75% précisément. « Ce chiffre était attendu. Ce qui l’était beaucoup moins c’était la sévérité de ce trouble » remarque le neuropsychologue.

Les retentissements sur la vie quotidienne des malades sont marquants. Dans le milieu professionnel notamment comme le relève Jean Petrucci : « Nous avons montré que les femmes souffrant de troubles cognitifs posent davantage d’arrêts maladie, sont plus handicapées dans leur travail... Ce n’est donc pas juste une plainte : il y a des conséquences sur le plan socio-professionnel qu’il faut prendre en compte. C’est du concret. »

Le neuropsychologue est également étonné des répercussions sur la vie personnelle. « Le chemofog modifie le rapport à l’autre. Les patientes rapportent qu’elles ont tendance à éviter certaines situations sociales parce qu’elles savent qu’elles n’arriveront pas à donner le change. C’est un risque de repli sur soi. Cette donnée ne coulait pas de source, surtout dans les proportions observées. »

Un trouble dont on ne parle pas…

Malgré l’ampleur du phénomène, seules 28% des femmes interrogées connaissaient le terme chemofog. « À vrai dire, je m’attendais à un chiffre plus faible. Il est peut-être biaisé par le fait que nous nous sommes adressés principalement à des lectrices de Rose Magazine qui sensibilise depuis des années sur le sujet. Toujours est-il que pour une majorité de patientes, le chemofog n’a jamais été évoqué par leur médecin » déplore Jean Petrucci. Le neuropsychologue reconnaît qu’il est nécessaire de sensibiliser ses pairs qui ont encore trop tendance à minimiser l’importance de ces troubles, voire à les taire.

Un silence qui oblige les femmes à se débrouiller seules. Près de trois quart des femmes interrogées essaient de gérer leurs troubles en optant pour des stratégies pas toujours adaptées : sport, thérapies alternatives… « Cela montre bien qu’il y a un vrai manque au niveau de la prise en charge. Comme le sujet n’est pas du tout abordé par les médecins, les femmes sont seules avec leur détresse. Alors qu’il existe des solutions ! » s’indigne Isabelle Huet.

Sensibiliser les pouvoirs publics

Impact sur le retour à l’emploi, augmentation des dépenses de santé liée à la prolongation des arrêts maladies, isolement social… Avec ces nouvelles données, RoseUp dispose à présent d’un véritable levier comme l’explique Isabelle Huet : « RoseUp va pouvoir montrer aux pouvoirs publics que c’est une problématique importante qui mérite d’être adressée. Pour cela, nous avons besoin de financements qui permettront de former des personnes et développer des solutions. »

L’association propose des ateliers de remédiation cognitive dans le cadre de son service d’accompagnement au retour à l’emploi ainsi que des webinaires d’information sur la thématique du chemofog. Fin novembre, RoseUp lancera également un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) dans lequel la gestion des troubles cognitifs sera intégrée.

« L’après cancer est un enjeu de santé publique, rappelle Jean Petrucci. Tout le monde s’accorde à le dire. Pourtant, peu de mesures sont prises. C’est désarmant. Il faut maintenant que cela se traduise par des actes concrets au niveau des politiques des autorités de santé. »

QUELQUES CHIFFRES

– 75% des femmes interrogées déclarent souffrir d’un trouble cognitif
– 28% des femmes interrogées connaissent le terme de chemofog
– Le sujet est abordé par le médecin dans seulement 28% des cas, et quand il l’est, c’est à l’initiative de la patiente
– Des conseils de gestion des troubles sont donnés dans 30% des cas
– 95% des femmes interrogées auraient souhaité qu’on les prévienne de la survenue de ces troubles, 92% d’entre elles pensent que l’information devrait venir de l’oncologue
– 80% des femmes sont impactées dans leur vie professionnelle

Emilie Groyer


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Emilie Groyer

Rédactrice en chef du site web de Rose magazine. Titulaire d'un doctorat en biologie, Emilie a travaillé 10 ans dans le domaine des brevets en biotechnologie avant d'opérer une reconversion dans le journalisme. Elle intègre la rédaction de Rose magazine en 2018. Sa spécialité : vulgariser des sujets scientifiques pointus pour les rendre accessibles au plus grand nombre.

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