L’implication des particules fines élucidée chez les non-fumeurs
Pourquoi les non-fumeurs développent-ils des cancers ? Cette énigme, qui hante les pneumologues depuis des années, a enfin été résolue par une étude menée par le Dr Charles Swanton. Grâce à une analyse épidémiologique de grande ampleur, menée sur un demi-million de personnes en Angleterre, en Corée du Sud et à Taïwan, ainsi qu’à des expérimentations chez la souris, les chercheurs ont réussi à détricoter en 3 points les mécanismes biologiques impliqués.
Premier résultat : l’exposition aux particules fines (PM2.5) augmente le risque de développer un cancer du poumon chez les non-fumeurs.
Deuxième résultat : la moitié des non-fumeurs non-malades présentent une mutation dans les gènes EGF-R ou KRAS au niveau de leurs tissus pulmonaires. Ces mutations résultent d’un processus naturel lié au vieillissement puisqu’elles ont tendance à s’accumuler avec l’âge. Elles ne sont pas causées par la pollution et ne suffisent pas à transformer une cellule saine en cellule cancéreuse.
Troisième résultat : au niveau du tissu pulmonaire, les particules fines provoquent une réaction inflammatoire qui conduit les cellules saines mutées dans les gènes EGF-R ou KRAS à se transformer en cellules cancéreuses.
« Pour résumer, cela signifie que la pollution ne cause pas directement le cancer du poumon chez les non-fumeurs. En revanche, elle crée un environnement propice pour que ces cellules qui présentent déjà des anomalies au niveau de leur ADN deviennent tumorales » explique le Pr Girard. « C’est une brillante démonstration des processus menant à la cancérogenèse dans un contexte non-fumeur. »
Et pas que. Cette étude ouvre également la voie vers de nouveaux traitements. Les chercheurs ont en effet montré qu’il était possible de stopper l’inflammation causée par les particules fines en bloquant l’un de ses médiateurs : l’interleukine 1-β.
Une survie possible à long terme grâce à l’immunothérapie
En quelques années, l’immunothérapie est devenue LA référence dans le traitement des formes avancées du cancer du poumon. Les résultats à long terme des études Keynote-189 et Keynote-407 le confirment : à 5 ans, le taux de survie se situe autour de 20%, soit deux fois plus qu’avec une chimiothérapie seule.
« Bien évidemment, ce n’est pas encore assez mais il faut se rappeler qu’avant, lorsque le cancer devenait métastatique, le taux de survie à long terme était quasiment nul. Aujourd’hui, les patients ont une vraie chance de s’en sortir. Il faut ajouter que les patients qui sont vivants après 5 ans ont souvent une maladie qui n’évolue plus et peuvent arrêter leurs traitements. »
Enfin une thérapie ciblée pour les mutations KRAS
Environ 15% des patients touchés par un cancer du poumon présentent une mutation dans le gène KRAS. Pourtant, alors que cette observation a été faite il y a 40 ans maintenant, aucun traitement n’avait jusque-là réussit à la bloquer. C’est désormais chose faite grâce au sotorasib. L’étude CodeBreak 200 a montré que cet inhibiteur de KRAS était capable de réduire la progression de la maladie de 44%. Le traitement n’a en revanche pas d’impact sur la survie globale des patients.
Il s’agit pourtant bien d’une avancée pour le Pr Girard : « Nous avons enfin un traitement ciblé, cela change complètement la donne ! Au lieu de recevoir une chimiothérapie, les patients vont recevoir un traitement qui est mieux toléré et qui se prend sous la forme d’un comprimé. » Ce traitement était disponible en France depuis un an via le dispositif dérogatoire d’accès précoce. Ces nouveaux résultats devraient permettre d’obtenir son remboursement pérenne via l’assurance maladie.
BON À SAVOIR : Le sotorasib n’a malheureusement pas obtenu de remboursement par la sécurité sociale. Les patients peuvent toutefois bénéficier d’un traitement équivalent, l’adagrasib.