En condition métastatique, le cancer du pancréas est généralement traité par folfirinox. Lorsque cette chimiothérapie échoue, les patients peuvent se voir proposer une deuxième ligne de chimiothérapie si leur état de santé le permet. Toutefois, aucune étude prospective de grande ampleur n’avait jusqu’à présent évaluer l’efficacité de ce traitement. C’est désormais chose faite grâce à l’étude PRODIGE 65 – GEMPAX menée par le Dr Christelle de la Fouchardière, oncologue au centre Léon Bérard (Lyon). Elle nous en commente les résultats.
Comment les patients sont pris en charge actuellement en cas de rechute sous Folfirinox ?
Dr Christelle de la Fouchardière : Il n’y avait pas, jusqu’à présent, d’étude réalisée après échec de folfirinox dans les cancers du pancréas avec métastases pour déterminer quel était le meilleur traitement à donner. En général, les patients recevaient de la gemcitabine seule. Parfois la gemcitabine était combinée avec du nab-paclitaxel même si cette association n’avait montré son efficacité qu’en 1ère ligne de chimiothérapie. Cette association a reçu l’approbation de l’Agence européenne du médicament en 2015 dans cette indication mais elle n’est pas remboursée en France car la Haute Autorité de Santé a considéré que son bénéfice n’était pas suffisant.
On s’est donc retrouvé en 2015 avec une disparité dans la prise en charge des patients. Certains recevaient l’association gemcitabine + nab-paclitaxel après folfirinox parce qu’ils étaient suivis dans un hôpital qui prenait en charge le coût du médicament. D’autres patients en revanche n’y avaient pas accès car le lieu de soin dans lequel ils étaient traités ne pouvait pas se permettre de payer le médicament.
Pour sortir de cette situation inéquitable, j’ai décidé de mener une étude pour évaluer l’efficacité de la gemcitabine en association avec le paclitaxel, le petit frère du nab-paclitaxel, qui lui est remboursé par l’assurance maladie, après échec ou intolérance sous folfirinox.
Quels résultats avez-vous obtenus ?
Nous n’avons pas pu démontrer que la combinaison gemcitabine + paclitaxel permettait d’améliorer la survie globale des patients par rapport à la gemcitabine seule. En revanche, nous avons montré qu’elle augmente la survie sans progression, c’est-à-dire la durée pendant laquelle la maladie est stabilisée : le risque de progression était réduit de 36%. Le taux de patients n’ayant pas de progression de leur tumeur était doublé à 4 mois et 6 mois après le début du traitement. Nous avons également observé une réduction de la taille des tumeurs chez davantage de patients avec la combinaison gemcitabine + paclitaxel : ce taux de réponse était quasiment multiplié par 4. Pour moi, c’est très positif !
Pourquoi ces résultats sont, selon vous, aussi importants que d’avoir obtenu une amélioration de la survie des patients ?
Parce que les tumeurs du pancréas s’accompagnent souvent de douleurs difficiles à supporter par le malade, notamment parce qu’elles compriment les organes alentour. Le fait de diminuer la tumeur et de retarder sa progression permet de réduire ces symptômes. Faire en sorte que nos patients souffrent moins, c’est cliniquement pertinent selon moi.
Combien de patients sont concernés ?
Selon une étude qui remonte à 2011, la moitié des patients atteints d’un cancer du pancréas métastatique sont en mesure de recevoir une deuxième ligne de traitement après folfirinox. Ce qui empêche un patient de recevoir une nouvelle ligne de traitement c’est son état général qui peut être altéré. Mais d’après mon expérience clinique, et parce que nous avons fait aussi beaucoup de progrès en termes de soins de support, je pense que ce chiffre est en réalité plus important, autour de 60 ou 70%.
Ce traitement va-t-il devenir le nouveau standard en deuxième ligne de traitement ?
Pour moi, oui, c’est le nouveau standard ! Certains cliniciens vont certainement considérer que ce n’est pas le cas car il n’y a pas de différence en termes de survie globale. Néanmoins, aucune autre étude n’a apporté de résultats en 2ème ligne de chimiothérapie et il me semble important de pouvoir proposer aux patients un traitement efficace, capable de ralentir la progression de la maladie et de réduire la taille de la tumeur. Bien sûr d’autres progrès restent à faire et notre travail n’est pas terminé. Mais je connais bien cette pathologie et les problèmes auxquels sont confrontés mes patients, et je sais que ça en vaut la peine.
Propos recueillis par Emilie Groyer