« J’ai préféré une route plus naturelle pour mes traitements parce que c’est ce qui résonnait en moi ». C’est ainsi que Elle Macpherson a justifié son « choix difficile » de refuser les traitements conventionnels pour traiter son cancer, lors d’une interview télévisée pour l’émission australienne 60 minutes.
Il y a 7 ans, celle que l’on surnomme « The Body » est diagnostiquée d’un cancer du sein intracanalaire HER2+ hormonodépendant. Après 2 tumorectomies, les oncologues lui annoncent la suite de son protocole de soin : mastectomie, chimiothérapie, radiothérapie et hormonothérapie. « C’était un de ces moments où le souffle vous manque » confie Elle.
Convaincue que son corps peut combattre la maladie par lui-même, l’ex-mannequin reconvertie dans les compléments alimentaires et le bien-être, consulte 32 praticiens (dont certains très controversés) et fait un choix radical : elle soignera son cancer par une approche holistique. Sans rentrer dans les détails, Elle explique avoir suivi un » traitement intense » de 8 mois combinant naturopathie, ostéopathie, bains glacés, yoga, méditation, …
Aujourd’hui, Elle est en rémission. A-t-elle peur de la récidive ? « Je fais régulièrement des examens de contrôle (…) Je ne m’attends à aucune rechute et rien n’indique que j’en ferai une. Rien. »
Nous aurions pu nous arrêter là. Rapporter ce témoignage optimiste, comme nous le faisons régulièrement pour d’autres femmes anonymes touchées par un cancer. Après tout, accepter ou non un traitement est un choix personnel qu’il ne convient pas de discuter. Mais voilà, Elle Macpherson n’est pas n’importe qui. Avec plus de 750 000 followers sur Instagram, sa parole compte. C’est pourquoi nous avons décidé de vous apporter un autre éclairage en interrogeant le Pr Mahasti Saghatchian, oncologue spécialiste du cancer du sein à l’hôpital américain de Paris.
Comment avez-vous réagi en lisant dans la presse que Elle Mac Pherson avait refusé les traitements conventionnels ?
Pr Saghatchian : J’ai été choquée par la façon dont certains médias grand public ont diffusé l’information de façon brute, sans y apporter de nuances. Je trouve cela extrêmement grave, dans une période de déficience et de méfiance vis-à-vis de notre système de santé, de « jouer » avec un sujet aussi grave que le cancer. Il en va de la vie des femmes qui sont actuellement touchées par un cancer et qui pourraient être tentées par cette prétendue médecine miracle.
Ensuite, que Elle Macpherson raconte son histoire personnelle, c’est plutôt une bonne chose. Cela contribue à briser le tabou autour du cancer. C’est bien que la parole se libère mais pas de façon « débridée ». D’autant plus que le cas de Elle Macpherson n’est pas un cas classique de cancer du sein…
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C’est-à-dire ?
Le cancer du sein dont a été atteinte Elle Macpherson est un cancer intracanalaire. Il s’agit d’un cancer localisé qui n’atteint pas les ganglions et qui ne peut pas donner de métastases. Il peut en revanche s’étendre localement et, parfois, devenir infiltrant au bout de 5 ans. C’est pour cela qu’il faut le traiter.
Comment traite-t-on justement ce type de cancer ?
Par la chirurgie essentiellement.
Elle Macpherson a subi 2 tumorectomies. Elle a donc eu un traitement somme toute classique ?
Tout à fait. Ce n’est pas son approche holistique qui l’a sauvée mais bien la médecine conventionnelle. Ce n’est pas un miracle !
Elle n’aurait donc de toute façon eu ni chimio, ni radiothérapie, ni hormonothérapie ?
Après ces 2 tumorectomies, Elle Macpherson a indiqué que les marges chirurgicales n’étaient pas nettes, c’est-à-dire que les tissus qui entouraient la tumeur étaient anormaux.
Pour réduire le risque de rechute, on propose dans ces cas-là, soit une chirurgie conservatrice associée à de la radiothérapie, soit une mastectomie1 sans radiothérapie. Mais jamais de chimiothérapie, ni d’hormonothérapie.
Vous est-il arrivé que l’une de vos patientes refuse ces traitements ?
Oui, comme il ne s’agit pas de traitements curatifs mais dont le but est de réduire le risque de rechute, cela peut arriver. Si c’est le cas, j’essaie d’exposer à ma patiente tous les arguments en faveur de ces traitements et je lui laisse le temps de réfléchir. Elle peut aussi demander un second avis médical. Mais c’est sa vie, son choix. Je le respecte quoi qu’elle décide.
Pour autant, ce ne sont pas des patientes qu’on va « lâcher » dans la nature : on leur proposera une surveillance rapprochée pour détecter une éventuelle rechute le plus tôt possible. C’est le choix qu’a fait Elle Macpherson. Mais c’est une prise de risque car le suivi ne permet pas de réduire le risque de rechute, contrairement à la radiothérapie ou à la mastectomie.
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Elle Macpherson est en rémission depuis 7 ans et est convaincue de ne jamais avoir de récidive. Peut-on en être sûr ?
Non, ce serait comme lire dans une boule de cristal. On peut se réjouir qu’aujourd’hui son cancer ne soit pas revenu mais rien ne dit que ce ne sera pas le cas dans 5 ou 10 ans. Les cancers canalaires sont à évolution lente, la récidive, si elle a lieu, survient donc tardivement.
L’approche holistique qu’elle a adoptée peut-elle contribuer à prolonger sa rémission ?
La seule pratique qui réduit le risque de rechute, et cela a été démontré scientifiquement, c’est celle d’une activité physique. Les médecines complémentaires, la méditation, l’ostéopathie… peuvent améliorer la qualité de vie mais rien ne prouve qu’elles aient un impact sur les récidives.
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1. La mastectomie est une ablation complète du sein contrairement à la tumorectomie qui ne retire que la tumeur.