Le Plan cancer III, annoncé le 4 février par le président Hollande, définit les nouveaux contours de la convention s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé (Aeras) et prévient le secteur bancaire que toute lenteur dans la renégociation entraînerait la rédaction d’une loi contraignante.
Le Dr Jérôme Viguier, directeur du pôle de Santé publique et soins de l’institut national du cancer (INCa), revient sur les évolutions de ce dispositif Aeras.
Rose Magazine. Jusqu’ici, comment fonctionnait Aeras ?
Dr Jérôme Viguier. Lorsqu’un ancien malade désirait emprunter de l’argent, il se tournait vers son banquier qui lui faisait remplir un questionnaire de santé. Ce questionnaire servait au banquier à assurer son prêt auprès d’un organisme dédié. Dans le cas d’un malade de cancer, l’assurance « classique » refusait dans la plupart des cas. Intervenait alors Aeras – qui est une sorte de plan B – pour permettre aux candidats au prêt de réclamer un « repêchage ».
Toutes les associations de patients dénoncent un système inéquitable ? Pourquoi ?
Tout simplement à cause de la méthode de calcul du risque. Lorsqu’un assureur accepte votre dossier, il vous assure sur un risque. Il se base sur des grilles de lecture officielles, afin d’estimer ce risque et le faire « payer ». Dans le cas du cancer, les grilles de lecture sont établies à partir d’études qui prennent en compte la date où le diagnostic est porté. Ce qui signifie que les taux de survie (donc l’ampleur du risque) sont calculés en intégrant, dans l’équation, un pourcentage de malades qui ne survivront malheureusement pas à la phase aigüe des traitements. C’est absurde car, dans la réalité, quasiment personne ne réclame unprêt au beau milieu d’un traitement !
Qu’est ce qui va changer ?
L’INCa s’engage à mettre à la disposition du secteur bancaire des études définissant le risque de récidive et de mortalité, cancer par cancer. La grande nouveauté est que ces études débuteront au sortir de la phase aigüe de la maladie. Elles déboucheront sur des modèles de survie, c’est-à-dire de guérison, tout à fait nouveaux : les taux de survie seront notoirement accrus, et l’espérance de vie, pour certaines pathologies jusqu’à égaler, , le niveau de l’ensemble de la population.
Et le fameux « droit à l’oubli » proposé par François Hollande ?
Comme je le disais, lorsqu’un ancien malade est sorti de la phase aigüe de certains cancers, son espérance de vie rejoint celle des non-malades. C’est le cas, entre autres, pour les cancers pédiatriques. Or, les ex-enfants malades paient aujourd’hui, parfois 20 ans plus tard, les conséquences d’une maladie passée. Nous allons donc établir un délai, au sortir de la phase aigue de la maladie, à partir duquel les ex-malades n’auront plus à déclarer cet épisode de vie.
Et la loi ?
La promesse de la loi est un argument supplémentaire pour faire avancer rapidement les négociations. Si nous n’arrivons pas à nous entendre avec les assureurs, c’est un engagement présidentiel fort que de légiférer.
Propos recueillis par Céline Lis-Raoux