Face aux cancers, osons la vie !


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Un équipage de « dragonnes » sur le lac d’Annecy

{{ config.mag.article.published }} 31 octobre 2019

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Photo : Méryll Boulangeat

Les clubs de dragon boat essaiment dans toute la France. Ce sport nautique dérivé du canoë permet aux femmes touchées par le cancer du sein de se rééduquer au sport en équipe. De l'effort et du plaisir !

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Une vague rose ne cesse de monter, monter, passant par tous les continents : Europe, Amérique, Australie… Une vague formidable, lancée en 1996 depuis le Canada par un homme, le Dr MacKenzie. Cancérologue un peu visionnaire, il était persuadé que la pratique du dragon boat pouvait améliorer la qualité de vie de ses patientes. Depuis, la discipline rassemble des centaines de milliers de femmes sur la planète, de tous âges et de tous horizons, qui ont, ou ont eu, un cancer du sein et qui, en voguant de conserve, ont trouvé un moyen ludique de s’extraire de leur galère. Car, contrairement aux idées reçues, les sports d’eau sont parfaitement adaptés à l’activité post-cancer.

« Nous avons déjà assez ramé avec la maladie. Maintenant, nous pagayons ! » résume avec humour une des Dragon Ladies d’Annecy. Cela fait partie du quotidien, pour elle comme pour ses coéquipières des Drôles de rames. Créé en 2012, celui-ci est un des clubs pionniers de cette discipline en France. On en trouve aujourd’hui dans pratiquement tout l’Hexagone (voir encadré). Plusieurs fois par semaine, été comme hiver, nos Annéciennes se retrouvent sur la base nautique des Marquisats. Immanquables, en short noir et ­T-shirt fuchsia (le rose est la couleur emblématique des Dragon Ladies), elles ont l’habitude de s’échauffer à une encablure du ponton du club de canoë-kayak, où est amarré leur esquif à tête de dragon.

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Photo : Méryll Boulangeat

La singulière barque, de vingt mètres de long et trois cents kilos, peut embarquer à son bord vingt équipières, un barreur, en poupe, et à la proue « un tambour », qui donne la cadence. Le placement se fait en fonction de la condition de chacune. À l’avant, les plus gaillardes ; à l’arrière, les plus fatiguées. S’il faut pagayer ensemble pour que le bateau avance, chacune a le loisir de moduler son effort selon son ressenti du moment. « Si on est fatiguée, on ralentit, on fait des pauses, apprécie Évelyne. Si on se sent bien, on peut mettre de l’intensité. » Avantage : tout le monde peut participer. « Aujourd’hui, séance d’endurance ! » annonce la barreuse du jour, Brigitte. Les exercices commencent. Dix mouvements courts et rapides, suivis de dix mouvements rapides et allongés. Les pagaies fendent avec force les flots bleus.

Aux effets bénéfiques de ce sport (dérivé de l’aviron) sur le souffle, la rééducation et la condition physique s’ajoute sa vertu comme excellent vecteur de lien social. « Le cancer isole. Dans le dragon boat, les équipières oublient un moment la maladie et s’ouvrent à l’autre. C’est le premier pas vers la guérison », souligne Frédéric Truchet, gynécologue obstétricien, à l’origine, lui, du club des Dragon Ladies Lo.Ve, à Saumur.

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Photo : Méryll Boulangeat

Au beau milieu du lac d’Annecy, la séance d’endurance se poursuit dans une atmosphère à la fois concentrée et rieuse. Si le club privilégie la pratique comme loisir, les Drôles de rames commencent à se faire un nom dans les grandes compétitions internationales de dragon boat. Elles sont déjà doubles championnes d’Europe et prennent le départ chaque année de la mythique Vogalonga, à Venise, le plus gros rassemblement de Dragon Ladies au monde. Des échéances qui ont un effet stimulant sur le mental de Nathalie : « Avec la maladie, on perd l’envie de faire des projets. Avec le dragon boat, on la retrouve. Ça fait du bien ! »

Après plus d’une heure et demie à glisser sur l’eau, les filles, revenues à la base, ont tombé le gilet de sauvetage et renfilé leurs jeans. Un sourire radieux illumine tous les visages. « Au fil du temps, je perçois un changement chez mes patientes pagayeuses, observe le Dr Truchet. Dans leur façon d’être, de ressentir les choses, de profiter de l’instant présent. On a la sensation qu’elles vivent moins avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Quand on a le cancer du sein, on a peur, on se met “en mode survie”, on se protège de tout, même des petits plaisirs de la vie. Le dragon boat redonne ce goût de la vie. »

L’OEIL DU DOC : Laëtitia Stefani, chef de l’unité d’oncologie du centre hospitalier Annecy-Genevois.

Quels sont, d’après vous, les principaux avantages de ce sport pour les malades ?

Il est largement démontré que la pratique d’une activité physique réduit le risque de récidive du cancer du sein. Mais il n’est pas si simple de se mettre, ou remettre, en mouvement. Le dragon boat, par son côté ludique, en équipe, motivant, permet à de nombreuses femmes de reprendre une activité physique régulière. Par ailleurs, le dragon boat étant un sport de pagaie et d’endurance, il est moins traumatisant que la course à pied. Il favorise aussi le renforcement musculaire et le cardio.

Peut-on pagayer du côté du sein opéré ?

Après un curage axillaire, il faut éviter les traumatismes et le port de charges lourdes du côté opéré, qui augmentent le risque de lymphœdème. Mais il est aussi préconisé de garder une bonne musculature et de limiter les déséquilibres entre les côtés gauche et droit du corps. C’est donc à apprécier au cas par cas, en fonction des opérations subies. Les Dragon Ladies sont généralement accompagnées et suivies par des professionnels formés pour travailler avec ce public fragile. Leurs conseils sont très importants.

Où trouver un club près de chez vous ?

1-Annecy, 2-Angers, 3-Besançon, 4-Bordeaux, 5-Brest, 6-Caen, 7-Colmar, 8-Dijon, 9-Lille, 10-Marseille, 11-Nancy, 12-Nantes, 13-Nice, 14-Reims, 15-Toulouse… Plus de clubs en métropole et dans les DOM-TOM : www.ffck.org ou en contactant directement
la Fédération française de canoë-kayak au 01 45 11 08 50

Textes et photos par Méryll Boulangeat

Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 17, p. 140)


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Méryll Boulangeat

Ex-athlète de haut niveau (spécialiste de skicross, Médaille d’argent au championnat du monde de 2007), elle s’est reconvertie dans le journalisme après sa retraite sportive, en 2012. On la lit parfois dans L’Équipe, Le Monde, mais avant tout dans des revues consacrées à la montagne et aux activités outdoors. Depuis 2017, elle est notre Madame Sport et Évasion. « À travers mes sujets, j’espère apporter un peu de légèreté dans des vies quotidiennes parfois difficiles. »

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