« Le monde s’est écroulé d’un coup. Le lundi, j’apprends que j’ai un cancer du sein. Le jeudi, je me fais virer. Comme ça, sans préavis, au bout de deux ans de bons et loyaux services ».
Sophie Belvaux est effondrée. On la comprend. Cette infirmière de 42 ans n’est pas seulement un exemple (de plus) des discriminations à l’emploi que subissent les malades de cancer. Elle est en passe de devenir un symbole. Car l’hôpital qui rompt brutalement son contrat avec elle est aussi l’établissement dans lequel son cancer a été diagnostiqué : l’hôpital de Remiremont dans les Vosges.
Une vocation d’infirmière chevillée au corps
Sophie Belvaux voue son existence au soin des autres et a choisi le métier d’infirmière par vocation. A 37 ans, elle reprend des études et passe son diplôme. L’objectif de sa vie. Depuis deux ans, cette maman de quatre enfants enchaînait les CDD (régime dérogatoire de la fonction publique) et jamais l’hôpital n’avait évoqué la possibilité de se passer de ses services. Elle était d’ailleurs inscrite à une formation au mois de mars et avait déjà déposé ses vacances d’été sur le tableau de présence. Mais voilà, l’annonce de son cancer du sein, diagnostiqué dans son propre établissement, n’est pas resté longtemps un « secret médical».
Discriminée à cause de son cancer
« Trois jours après l’annonce de mon cancer, la directrice des soins m’a appelée pour me communiquer l’information que mon contrat ne serait pas renouvelé », raconte Sophie Belvaux. Comment la nouvelle du cancer de l’infirmière est aussi vite remontée jusqu’à la DRH ? C’est la cadre de santé de Sophie qui en a informé la direction. « J’avais prévenu ma cadre de santé de ma maladie par acquis de conscience – pour qu’elle puisse assurer mon remplacement et ne pas déstabiliser le service. Mais en aucun cas je pensais qu’elle dévoilerait mon motif d’arrêt à la direction », se désole l’infirmière. Autrement dit, son honnêteté et son sens de la responsabilité ont provoqué sa mise au ban de l’hôpital. Le vendredi, Sophie reçoit le courrier officiel de sa non-reconduction de CDD.
Mastectomie et Pôle emploi…
Florent Belvaux, son mari, est inquiet : « Elle vient de subir une mastectomie totale et doit maintenant s’inscrire à Pôle emploi…ce n’est pas facile à vivre ». Très en colère, il multiplie donc les demandes d’explication. En plus des poursuites judiciaires pour non-respect du délai de prévenance et pour discrimination, les époux Belveaux ont sollicité Christophe Naegelen, le député de la 3e circonscription des Vosges. Ce dernier a contacté le directeur de l’hôpital ainsi que l’Agence Régionale de Santé (ARS) Grand-Est dont il attend rapidement des réponses. « La direction n’a pas besoin de motif pour agir comme elle l’a fait mais ils devaient lui signaler la non reconduction de son contrat au moins un mois à l’avance. Sans parler d’un sérieux problème de morale », argumente le député.
« Où est votre empathie ? »
La demande de Sophie Belvaux ? Que l’hôpital lui propose un nouveau contrat, idéalement un CDI. Car comment trouver un nouvel emploi au sortir des traitements? « Je ne vois pas un employeur m’accueillir les bras ouverts pour un mi-temps thérapeutique, déplore l’infirmière. J’aurais préféré être reclassée en CDI, pour être sûre d’avoir ensuite accès à un mi-temps thérapeutique. »
Pour le moment, l’infirmière ne reçoit pas d’allocations chômages car elle est encore en attente de l’attestation employeur de sortie de poste que devait lui fournir l’hôpital. « Je me sens totalement discriminée, je n’ai pas fait exprès d’avoir un cancer ! Je suis remontée contre cette direction inhumaine. On nous inculque pendant trois années d’étude d’infirmière qu’il faut être humaine, avoir de l’empathie et suivre le patient… Alors, je demande à la direction de l’hôpital : « Où est votre empathie ? » »
Claire Manière