Comme aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et en Australie, le risque de cancer colorectal reste très élevé en France. Deuxième cancer le plus meurtrier après celui du poumon, avec 18 000 décès par an, et troisième cancer le plus fréquent après ceux du sein et de la prostate, il frappe chaque année 45 000 nouvelles personnes.
Dépistage, peut mieux faire
Du fait de l’accroissement et du vieillissement de la population, ce chiffre a presque doublé en vingt ans. Parmi les 30 à 40% de patients touchés par un cancer du rectum (première partie du côlon), Béatrice, 54 ans, avoue sans détour qu’elle aurait préféré avoir un cancer du sein.
« Au moins, on peut le reconstruire, et presque “oublier” ensuite que l’on a un cancer. Moi, chaque jour, je vis des situations dont je n’ose pas parler. Qui m’obligent à m’isoler, à tout contrôler : ce que je mange, ce que je porte, car je suis dérangée par des troubles du transit, des culottes souillées… Envahie par la peur et la honte, qui me poussent à refuser de faire l’amour avec mon compagnon. »
Démystifier et rendre cette maladie visible
Si elle ose en parler aujourd’hui, c’est pour « démystifier » et rendre cette maladie visible. Mais surtout pour pousser les autres à se faire dépister et à prendre ce cancer de vitesse. Car, selon une enquête de l’Inca, seulement 10 % des personnes interrogées savent qu’il se guérit dans 90 % des cas lorsqu’il est dépisté à temps.
À l’origine, en effet, de la plupart des cancers colorectaux, on trouve un polype, une excroissance bénigne de la muqueuse qui, dans 2 % des cas, évoluera en tumeur maligne dans les cinq à dix ans. D’où l’intérêt de la débusquer à temps.
Si le dépistage des personnes à risque est plutôt efficace en France, celui de la population « normale », généralisé depuis 2009 pour les hommes et femmes âgés de 50 à 74 ans*, laisse à désirer. Il repose sur un test immunologique, pas franchement glamour, qui consiste à rechercher la présence de sang microscopique dans les selles.
S’il est positif, une coloscopie (inspection du côlon et du rectum) suivie d’une biopsie est réalisée.
Un dépistage boudé par le public
Mais, malgré la mise en place de « Mars bleu », qui est au côlon ce qu’Octobre rose est au sein, les Français méconnaissent le cancer colorectal et boudent le dépistage. Les campagnes de com’ ont du mal à faire mouche : « Un petit beurk vaut mieux qu’un gros aïe » ou « Le meilleur endroit pour faire le test, c’est chez soi ». Pourtant, si 50 % de la population concernée participait au programme de dépistage organisé, la mortalité de ce cancer diminuerait de 30 %.
Pour le Dr Rinaldi, gastro-oncologue à l’hôpital Ambroise-Paré, à Marseille, et coordinateur de la campagne de dépistage dans les Bouches-du-Rhône, l’évolution des mentalités ne pouvait passer que par une « nouveauté », le test immunologique, plus facile à manipuler et 2 à 2,5 fois plus sensible que le test au gaïac (Hemoccult). Bon point pour ce test, il ne nécessite qu’une manipulation de selles contre 6 avec Hemoccult.
Bien qu’il ait fait preuve de sa fiabilité et de ses performances dans la détection des cancers à un stade précoce et des lésions précancéreuses, la population cible du dépistage organisé (les femmes et les hommes de 50 à 74 ans ne présentant pas de symptôme) reste encore trop peu nombreuse à participer. En effet, les derniers chiffres publiés par Santé publique France annoncent un taux de participation de 33,5 % versus les 45 % jugés acceptables au niveau européen. Pourtant, détecté tôt, ce cancer peut être guéri dans 9 cas sur 10.
Gageons qu’avec les nouvelles campagnes décalées, comme celle co-construite par Amgen et Rose Associations, les « blocages » vont diminuer.
* 4 %, c’est le risque d’avoir un cancer du côlon avant 50 ans. L’âge moyen lors du diagnostic est de 72 ans chez l’homme et 75 ans chez la femme.
** Le test immunologique pour le dépistage du cancer colorectal est disponible depuis mars 2015.