L’Allocation Adulte Handicapé (AAH) est une aide financière attribuée aux personnes touchées par une maladie invalidante qui les limite dans leur activité professionnelle ou les rend incapable de travailler. L’attribution de cette aide, sous condition de ressource, prenait jusqu’à présent en compte les revenus du conjoint. Hier, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité (moins une voix) la déconjugalisation que RoseUp – et bien d’autres associations de patients – demandait depuis des années. Isabelle Huet, directrice générale de l’association, nous explique en quoi cette mesure représente une avancée majeure pour les femmes atteintes d’un cancer.
La déconjugalisation de l’AAH vient d’être votée à l’Assemblée nationale. Quelle est votre réaction ?
C’est une très belle avancée, notamment pour les femmes touchées par le cancer. Cela faisait longtemps que nous attendions cette mesure. Nous l’avions d’ailleurs proposée aux candidats à la dernière élection présidentielle. Il faut rappeler que le cancer précarise : d’après l’étude Vican5, 1 personne sur 5 voit ses revenus diminuer après un cancer. Et c’est particulièrement vrai pour les femmes. L’attribution de l’AAH conditionnée aux revenus du conjoint ne faisait que creuser davantage ce phénomène.
En quoi cette mesure est-elle importante pour RoseUp ?
Parce que l’une des trois missions de RoseUp est de défendre les droits des femmes touchées par un cancer. Il nous paraissait scandaleux que des femmes, qui ont travaillé avant leur cancer et donc cotisé, ne puissent pas bénéficier d’une AAH parce que leur conjoint a des revenus suffisants. C’est une question de droit des femmes : de leur statut dans la société et de leur indépendance financière envers leur mari.
Cela nous parait être un combat d’un autre temps ! C’est comme si, aujourd’hui, on considérait que les femmes dont le mari travaille ne sont pas prioritaire pour postuler à un emploi. C’est une approche archaïque. Il était temps qu’on y mette fin.
Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a annoncé que la déconjugalisation entrera en vigueur en octobre 2023. N’est-ce pas un peu tard ?
Tout d’abord, nous espérons que cette mesure sera définitivement votée par le Parlement cet été pour que cette double peine ne soit plus qu’un mauvais souvenir pour toutes ces femmes. Concernant, la mise en œuvre, nous comprenons qu’il faille réfléchir au budget, à ne pas léser certaines personnes… Mais il existe sans doute des moyens de raccourcir ce délai. Tout est une question de volonté politique.
Il faut que les parlementaires réalisent une chose : le temps politique n’est pas celui des malades. Pendant qu’ils débattent, des hommes et des femmes luttent au quotidien pour se reconstruire.
Propos recueillis par Emilie Groyer