Comment est née l’idée de Crabette ?
Delphine Vanier : J’ai été touchée par un cancer du sein « triple négatif » en 2020. À ce moment-là, j’étais cheffe d’une entreprise de service à la personne, composée de 15 employés. J’étais aussi maman de 2 garçons d’un an et 2 ans et demi, que j’ai pu accueillir après un parcours FIV qui a duré 5 ans. Quand le cancer m’est tombé dessus, j’ai basculé dans un autre monde. J’ai notamment découvert que si, en France, on a la chance d’être soigné gratuitement, toute la partie annexe de la maladie, n’est pas prise en charge.
À quoi faites-vous référence ?
Je pense aux perruques, cosmétiques, bonnets, soins de support, aides à domicile… J’ai dû faire des choix. Ce qui m’a semblé prioritaire, à ce moment-là, c’était d’embaucher une nounou. Les traitements m’ont terrassée. Tout mon budget est parti dans cette aide à domicile. Je n’ai pas pu acheter les accessoires dont j’aurais pu avoir besoin. Comme je suis tombée malade en pleine période du Covid, les associations étaient fermées, je n’avais pas de repères, d’endroits où aller. Arrivée au terme de mon parcours de soin, je me suis demandé comment faire pour qu’aucune femme ne vive ce que je venais de traverser, pour qu’aucune d’entre elles n’ait à faire ces choix.
Quelles ont été les étapes pour arriver à créer Crabette ?
J’ai d’abord constaté qu’il n’existait pas d’offre d’articles de seconde main dans les associations ou les centres de soin. J’ai moi-même voulu donner les objets dont je ne me servais plus, mais je n’avais nulle part où les déposer. J’ai donc voulu créer une chaine solidaire nationale qui permettait de récupérer des accessoires afin de les remettre en service à bas prix. J’ai pu lancer le site après une campagne de crowdfunding grâce à laquelle j’ai récupéré 13000€.
Pourquoi ce nom ?
Le crabe parce que c’est le nom qu’on donne au cancer et la terminaison en -ette est un clin d’oeil à ma grand-mère qui a vécu centenaire et qui m’appelait bichette ou ma petite poulette.
Comment fonctionne votre site ?
J’ai imaginé Crabette comme une sorte de Vinted du cancer. On peut acheter, vendre ou donner des perruques, des bonnets, des livres, du petit matériel médical, des turbans, de la lingerie… le tout entre 50% et 90% moins cher que du neuf. Après un an et demi d’activité, je me rends compte que 95% des produits du site sont issus du don. On est dans une économie circulaire, vertueuse. C’est la magie de la solidarité.
Selon vos estimations, combien dépense un malade du cancer en accessoires ?
Ce que je peux vous dire c’est que ça chiffre très vite. On n’est pas tous remboursé de la même manière mais je pense qu’on peut établir une fourchette entre 1000 et 2000€.
Qu’est-ce que cette épreuve du cancer vous a appris?
Je ne pensais pas qu’un jour je descendrais aussi bas et que j’arriverais non seulement à trouver la ressource nécessaire pour remonter à la surface mais en plus à en sortir quelque chose de positif. Aujourd’hui, j’ai 43 ans, je suis en rémission, et j’ai renoué avec mon ADN de cheffe d’entreprise.