La mucite est une inflammation de la bouche et de la muqueuse digestive, consécutive aux traitements du cancer. Elle peut provoquer des douleurs, des difficultés pour s’alimenter, pour parler, une altération de l’image de soi, de l’anxiété, des troubles du sommeil ou une dépression. Quand les atteintes sont telles que s’alimenter devient impossible au patient, on peut être obligé de lui poser une sonde d’alimentation ou une perfusion de morphine, voire de réduire la dose de ses traitements ou de les interrompre provisoirement. Ce sont donc aussi de potentielles pertes de chances pour le patient.
Une solution simple et efficace : la photobiomodulation
Or on connaît les traitements qui entraînent les mucites et on dispose d’une solution pour s’en prémunir : la photobiomodulation. Elle agit en limitant l’inflammation, en soulageant la douleur et en favorisant la cicatrisation. Son nom peut paraître compliqué. En réalité, son principe est assez simple. Il s’agit d’une technique qui repose sur la propriété qu’ont certaines longueurs d’onde de la lumière, en l’occurrence le rouge et l’infrarouge, de permettre aux cellules de retrouver un fonctionnement normal. La lumière est émise par des diodes électroluminescentes – mieux connues sous le nom de LED – ou des lasers, qui n’émettent pas de chaleur. Il n’y a donc aucun risque de brûlure.
Encore trop peu de centres équipés
Ces dernières années, les industriels ont fait beaucoup d’efforts pour proposer des appareils extrêmement sûrs, précis, efficaces, et peu coûteux. Ces outils sont devenus très simples d’utilisation, et répondent à des normes dites dosimétriques : on connaît précisément la quantité d’énergie à administrer aux tissus lésés pour les réparer, à l’intérieur ou à l’extérieur de la bouche. La séance ne prend que quelques minutes et peut être menée par une infirmière formée. Il est donc inadmissible que si peu de services de cancérologie et d’hématologie la proposent aujourd’hui, de façon courante, en prévention et en traitement des mucites. D’autant plus que les freins à son utilisation sont infondés. Les soignants doutent du fait qu’une simple lumière puisse soigner, alors que de nombreuses publications scientifiques ont démontré à la fois son efficacité et sa sécurité. Les référentiels internationaux recommandent cette technique depuis huit ans maintenant. Le coût de ces appareils, quelques milliers d’euros, peut aussi bloquer ; mais il est bien faible en comparaison de ce que représente financièrement la prise en charge des mucites.
Sortons de ce paradoxe !
Résultat, on propose aux patients des bains de bouche, a minima peu efficaces, et souvent inadaptés, qui font perdre du temps dans la prise en charge de leurs mucites ! On se retrouve à traiter des patients avec des mucites parfois à un stade avancé, alors même qu’on a les moyens d’empêcher leur apparition, ou au moins de limiter leur progression par la photobiomodulation préventive. Il faut sortir de ce paradoxe, inacceptable sur le plan éthique. J’en appelle aux patients : qu’ils en parlent à leur médecin ! C’est peut-être le meilleur moyen de faire enfin bouger les lignes.
LA PLUME DANS LA PLAIE
Le Dr Antoine Lemaire est médecin hospitalier spécialiste de la douleur et des soins palliatifs, chef du pôle cancérologie et spécialités médicales du centre hospitalier de Valenciennes. Il milite activement pour que les douleurs liées au cancer soient mieux connues et mieux prises en charge. Formé au journalisme médical, il publie régulièrement des articles sur ce sujet. Il est notamment l’auteur de Soigner les douleurs du cancer, paru aux éditions In Press.
Dr Antoine Lemaire
Propos recueillis par Emilie Groyer
Retrouvez cet article dans Rose magazine (Numéro 24, p.24)