Il est 16H. Dans son bureau de l’Institut Bergonié de Bordeaux, le Dr Quenel-Tueux est installée devant ses deux écrans. Elle se prépare à un rendez-vous de suivi avec une patiente. En direct, mais à 150 km de distance.
Un centre de cancérologie sanctuarisé face au Covid-19
L’hôpital est en « Plan Blanc » : prise de température avant l’entrée, consultations numériques pour éviter les allers-retours, chirurgies non urgentes reportées. Tout a été fait pour « sanctuariser » ce centre Unicancer. Et éviter aux malades hospitalisés ou aux patients en hôpital de jour de se trouver au contact de personnes infectées par le coronavirus.
Si depuis une semaine, les trois quarts des « consultations de suivi » de l’Institut Bergonié se font via un logiciel crypté et sécurisé, la cancérologue n’a pas attendu la crise du coronavirus pour promouvoir cette solution : « je n’y vois que des avantages : moins de fatigue, moins de déplacements pour les patientes… »
Voilà déjà plusieurs années qu’elle organise, la veille des séances de chimiothérapie, des rendez-vous par écran interposé. Une solution qui lui permet de suivre au mieux des patientes âgées et éloignées de l’hôpital, comme elle l’a expérimenté dès 2017 dans le département des Landes.
Moins d’attente le « Jour J »
Questions concernant l’état de santé général, discussions sur les effets secondaires et les réponses à y apporter, état de fatigue, vérification en parallèle sur son deuxième écran des analyses sanguines récentes et autres marqueurs… L’avantage ? « Lorsque la patiente arrive à l’hôpital pour sa chimiothérapie, elle n’a plus besoin de passer me voir en rendez-vous : cela lui évite une première attente devant mon bureau et possiblement des retards. Puis, au sortir de mon cabinet, elle évite également une seconde attente en hôpital de jour pour la chimiothérapie. Là, elle se rend directement, à l’heure dite, pour recevoir sa chimiothérapie qui est déjà prête et adaptée selon notre discussion de la veille, puis elle peut repartir chez elle ».
Webcam et appli
Sur l’écran du Dr Quenel-Tueux, un icône vert passe au rouge. Sa patiente vient d’arriver en « salle d’attente virtuelle ». L’oncologue lance la consultation et la webcam s’allume. À l’autre bout du réseau, installée sur son canapé, tasse de thé fumante devant elle, apparait Sylvia, la cinquantaine souriante. Suivie à l’Institut Bergonié pour un cancer du sein, elle reçoit une chimiothérapie adjuvante. Elle ne voit que des avantages à la téléconsultation : « Lorsqu’on est affaibli par les traitements, franchement, moins on traine en salle d’attente mieux ça vaut. D’ailleurs, je télé-consultais avec le Dr Quenel-Tueux avant le coronavirus. J’ai aussi l’application de suivi des effets secondaires de l’hôpital qui est très bien faite : comme cela, le médecin a toutes les informations me concernant ».
Un lien cliquable comme toute contrainte technique
Globalement, grâce à l’image, l’échange reste le même qu’en cabinet. « L’image est importante car je vois si la patiente est en forme ou fatiguée. Je peux même observer une cicatrice, une plaque suspecte. En revanche, je ne peux pas faire d’examen clinique et s’il y a un doute, la dame devra venir. La limite de la télé-consultation existe : le toucher ! On ne peut pas annoncer une rechute non plus à travers une webcam. Pour tous ces cas de figure, je préfère avoir la patiente près de moi physiquement.»
Autre limite, la « phobie technologique ». Certaines imaginent que l’installation de la solution sur leur ordinateur sera très compliqué – ou même qu’elles n’y arriveront pas. En fait, il suffit d’avoir une adresse web ou un smartphone. L’hôpital envoie à la patiente un lien cliquable qu’elle se contente de suivre pour son rendez-vous, afin que la technologie ne soit pas un frein. La preuve : la patiente la plus âgée qui y a recours a… 82 ans!
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Céline Lis-Raoux