Fièvre, difficultés à respirer, toux, mal de tête. Les symptômes d’une infection par le coronavirus sont ceux d’une grippe. Des symptômes peu spécifiques qui rendent le diagnostic compliqué sans effectuer de test complémentaire. Des signes plus surprenants, découverts récemment, pourraient bien permettre de s’en affranchir.
Une perte d’odorat presque toujours associée à une infection par le coronavirus
« Nous avons été alertés par des confrères qui avaient reçu des patients pour une perte d’odorat brutale et qui avaient été testés positifs au COVID-19 par la suite » nous explique le Dr Morel Président du Syndicat National des médecins ORL. Devant le nombre important de ces remontées de terrain, le Dr Corré, médecin ORL à la Fondation Rothschild, et le Pr Dominique Salmon, infectiologue à l’Hôtel-Dieu, se sont organisés. Dès que le Dr Corré se trouvait face à un patient souffrant d’anosmie (le nom scientifique pour la perte d’odorat), il l’envoyait à son confrère spécialiste des infections pour qu’il lui fasse passer le test du coronavirus. Une quinzaine de patients environ se sont prêtés à l’expérience. Résultat : la quasi totalité étaient infectés par le coronavirus. « Ce n’est pas une spécificité du coronavirus. D’autres infections virales comme la grippe provoquent des pertes d’odorat [en altérant le nerf olfactif, NDLR]. Mais dans le cas du coronavirus cela semble plus systématique » précise le Dr Morel.
Les femmes davantage touchées
Depuis, une étude européenne – coordonnée par le Dr Jérôme Lechien, médecin ORL à l’hôpital Foch, et le Pr Sven Saussez, chercheur à l’université de Mons (Belgique) – a confirmé ces observations. Menée sur 417 patients, elle montre que 88 % des personnes infectées par le COVID-19 présentent des troubles partiels ou complets du goût. Dans la majorité des cas, ils sont associés à des troubles de l’odorat.
Ces pertes de sens surviennent en général en même temps que les autres symptômes (65 % des cas) mais elles peuvent également faire leur apparition avant (12 %) ou après (23 % des cas). Pour des raisons encore inconnues, les femmes semblent être davantage atteintes par l’anosmie.
En cas de perte brutale de l’odorat ou du goût, un seul mot d’ordre : s’isoler
Devant ses résultats sans appel, le Conseil National Professionnel ORL (CNPORL) – qui regroupe le syndicat, la société française et le collège des enseignants en ORL – a rédigé en urgence des recommandations destinées aux professionnels de santé.
« Nous voulions communiquer rapidement sur ces données : les patients qui souffrent d’une anosmie brutale, alors qu’ils n’ont pas le nez bouché, doivent être considérés comme porteurs du coronavirus » alerte le Dr Morel avant de préciser que ces symptômes ne sont pas toujours accompagnés de fièvre ou de toux. Les recommandations sont claires : les personnes qui perdent brutalement l’odorat – et souvent aussi le goût – doivent rester chez eux, éviter d’entrer en contact avec d’autres personnes et appeler leur médecin traitant. « Il ne faut surtout pas que ces personnes se rendent chez leur médecin. La consultation se fera par téléphone » rappelle le Président du SNORL.
Le médecin déterminera alors si l’infection est responsable de l’anosmie. D’autres causes peuvent en effet être à l’origine de la perte de ce sens ou de son altération, notamment les traitements contre le cancer (chimiothérapie, radiothérapie…).
Autres recommandations pour les médecins si une infection est suspectée : ne prescrire ni corticoïdes, comme c’est habituellement le cas lors d’une anosmie (ils peuvent en effet aggraver les symptômes du coronavirus), ni lavages de nez qui risqueraient de disséminer le virus dans les voies aériennes.
« Le sac de croquettes de chat ne pue pas »
La perte d’odorat se remarque souvent à la perte de goût (agueusie) qui en découle. « On croit que la saveur des aliments est surtout apportée par le goût. Mais la langue s’occupe seulement des saveurs salées, sucrées, acide, amer. Le nez fait tout le reste par rétro-olfaction. Quand on mange quelque chose, des molécules odorantes passent par l’arrière gorge et stimulent l’organe de l’odorat en haut du nez » explique le Dr Morel. Si vous êtes touché d’anosmie, votre yaourt préféré à la fraise gardera donc peut-être son goût sucré mais perdra la saveur du fruit rouge.
Birise, médecin généraliste, a partagé sa perte de sens sur Twitter : « Le café c’est de l’eau chaude, je ne sens pas le goût du Comté et le sac de croquettes de chat ne pue pas». Si le Tweet peut prêter à sourire, sur le long terme, l’anosmie est difficile à vivre. « Quand on perd l’odorat, on perd un signal d’alerte qui nous informe sur ce qui est bon à manger ou pas » mentionne le Dr Morel. Mais l’odorat est aussi et surtout un sens lié au plaisir : respirer le parfum d’une fleur, humer les effluves d’un plat en train de mijoter. En le perdant, on perd aussi l’envie de cuisiner, de manger ou de partager un repas en famille. « L’anosmie peut conduire à la déprime » confirme le Dr Morel.
Une perte à « l’évolution souvent favorable«
Le CNPORL se veut toutefois rassurant : « Selon les données préliminaires dont nous disposons, l’évolution naturelle des anosmies aiguës liées au COVID-19 semble souvent favorable. » En d’autre terme, la perte de l’odorat peut être réversible. « Si l’on se fie à ce qu’on connaît des autres virus, elle peut l’être mais ce n’est pas toujours le cas. Nous n’avons pas beaucoup de recul concernant le coronavirus » nuance le Dr Morel. D’après l’étude européenne citée plus haut, l’odorat revient dans les 15 jours dans près de la moitié des cas.
Dans les cas où l’anosmie persisterait, le CNPORL préconise une rééducation olfactive. Pour cela, les malades doivent se munir de flacons contenant des odeurs familières : vanille, café, lavande, menthe… Et quotidiennement, ils liront le nom de l’extrait avant de sentir le contenu du flacon de façon à ce que leur cerveau associe les 2 informations.
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Emilie Groyer
Mis à jour le 6 avril 2020