« Je suis atteint d’un cancer du poumon, suis-je plus fragile face au coronavirus ? » Cette question, Laure Guéroult-Accolas la lit régulièrement sur la plateforme d’échange Mon réseau cancer du poumon. Pour la présidente de l’association Patients en réseau, cela n’a rien d’étonnant : « Ce virus est respiratoire. Cela a donc une dimension symbolique pour ces malades qui n’ont, pour certains, plus qu’un poumon. Ils ne veulent pas prendre le risque de perdre leur second poumon. Ils se sentent vulnérables. »
Masque, gants et transport sanitaire…
Un sentiment que partage Emmanuel, atteint d’un cancer du poumon métastatique depuis janvier 2019 et traité par immunothérapie : « J’ai une maladie respiratoire chronique. Pour moi, il est évident que je suis une personne à risque. » Depuis les premières alertes, il reste donc très vigilant et respecte toutes les consignes, porte un masque, des gants. « Normalement je prends les transports en commun pour aller à l’hôpital quand j’ai un examen de contrôle. Là, j’ai demandé un transport sanitaire », ajoute-t-il.
Le cancer du poumon, en lui-même, n’est pas un critère de gravité supplémentaire
Mais cette crainte est-elle justifiée ? « Ce n’est pas le cancer du poumon en lui-même qui est un critère de gravité supplémentaire » explique le Dr Bertrand Mennecier, oncologue thoracique à l’hôpital universitaire de Strasbourg. Pourtant à l’épicentre de l’épidémie, le médecin n’a d’ailleurs pas eu de cas d’infection par le COVID-19 parmi ces patients atteints par un cancer du poumon.
Les facteurs aggravants: bronchite, insuffisance respiratoire chronique, traitement aux corticoïdes ou baisse de l’immunité
Le Dr Mennecier précise, en revanche, que « le terrain sous-jacent à la maladie peut créer les conditions d’une forme grave d’infection par le coronavirus. Par exemple, s’il y a de l’emphysème, de la bronchite chronique, une insuffisance respiratoire chronique… Le traitement peut aussi jouer : si le patient prend des corticoïdes ou s’il est traité par une chimiothérapie qui fait baisser son immunité, cela peut aussi aggraver les choses. Mais c’est le cas pour tous les malades de cancer, quel que soit l’organe atteint. Le Haut Conseil de la Santé Publique a d’ailleurs classé l’ensemble des malades de cancer sous traitement comme faisant partie des personnes à risque de complications du COVID-19. »
Des difficultés de diagnostic
Le risque résiderait davantage dans la difficulté de diagnostiquer une infection par le coronavirus chez ces patients. « Les symptômes du coronavirus peuvent être confondus avec ceux du cancer du poumon. Il n’est pas facile pour le patient ou pour le personnel médical de reconnaître les signes. On peut avoir des malades qui toussent, qui crachent, qui ont de la fièvre pour mille autres raisons » explique le Pr Nicolas Girard, pneumologue à l‘Institut Curie.
Des recommandations à venir
Le Professeur travaille par ailleurs sur des recommandations nationales en tant que membre de l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique. « Il s’agit d’une aide à la décision quant à la prise en charge des patients atteints d’un cancer du poumon. Nous avons réfléchi à des propositions d’interruption de traitements, de limitation des suivis,… selon les situations et elles sont très diverses. Toujours dans l’idée de limiter les déplacements à l’hôpital pour éviter de faire courir des risques aux patients. Nous souhaitions aussi avoir cette réflexion pour que les décisions de suspension de traitement ou de désescalade thérapeutique soient homogènes. Le but est que tous les malades dans une même situation soient pris en charge de la même façon, quel que soit l’établissement, pour éviter les inégalités. »
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Emilie Groyer