Sous nos masques, l’hiver a été rude pour notre peau : teint pâlot, traits tirés… En quête d’un coup d’éclat, vous hésitez entre une cure de gélules d’huile d’onagre et un complexe antioxydant pour booster votre peau ou vos cheveux. Abandonnez cette idée. Le cocktail traitement et compléments alimentaires est potentiellement dangereux. « Ils peuvent interagir », précise le Dr Véronique Pélagatti, pharmacienne à l’institut universitaire du cancer de Toulouse, Oncopole, « certaines substances peuvent contrecarrer ou, au contraire, augmenter les effets des traitements anticancéreux ».
Démonstration avec les antioxydants : leur principale fonction est de protéger les cellules… tout l’inverse de l’effet recherché dans le traitement du cancer, qui consiste à tuer les cellules malignes. « En en prenant, vous nourrissez en priorité les mauvaises cellules, favorisant ainsi leur croissance et leur multiplication », explique le Pr Luc Cynober, professeur honoraire de nutrition à l’Université de Paris. « Par exemple, le sélénium peut diminuer l’efficacité des taxols dans le traitement des cancers du sein, tandis que la vitamine C risque d’augmenter la toxicité rénale du méthotrexate. » Quant à l’extrait de pépin de pamplemousse, il bloque l’action d’une enzyme du foie (le cytochrome CYP3A4) et peut augmenter jusqu’à 10 à 12 fois la concentration de certains médicaments. C’est notamment le cas des chimiothérapies à base de docétaxel, des hormonothérapies et des thérapies ciblées. Il y a donc un risque de surdose.
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Prudence aussi avec les phytoestrogènes de soja en cas de cancer hormono-dépendant, et avec le bêta-carotène, autre bombe à retardement. Deux études, Caret1 et ATBC2, montrent que le bêta-carotène augmente le risque de cancer du poumon chez les fumeurs et les personnes exposées à l’amiante. Donc, même si certains dermatologues recommandent d’en prendre avant une exposition au soleil ou en cas de lucite estivale, on passe son tour tant qu’on est en traitement ! Et on en revient à son assiette. Car c’est encore là « que se trouvent les meilleurs compléments alimentaires santé », rappelle le Dr Grand-Vincent, médecin esthétique.
On ne lésine donc pas sur les fruits et légumes de saison qui en regorgent, tels que les carottes, épinards, melons, abricots… Chaque couleur apporte des vitamines et des antioxydants naturels et protecteurs qui agissent en synergie. « Un régime alimentaire adapté et varié suffit à apporter tous les nutriments nécessaires à notre corps », ajoute Delphine Litche-Choukroun, nutritionniste à l’institut Rafaël. « Les carences en nutriments restent rares, sauf en cas de dénutrition sévère, que seul un bilan biologique pourra révéler. Le médecin prescrira si besoin des compléments nutritionnels oraux, riches en protéines et en énergie. Une fois vos traitements terminés, vous pourrez voir avec votre oncologue ou votre médecin référent si vous avez besoin d’une complémentation pour renforcer l’organisme. »
En clair : il ne faut jamais prendre des compléments alimentaires au hasard. Enfin, soyez vigilante autant sur la qualité que sur la filière de distribution : 62 % des médicaments achetés en ligne sont des contrefaçons ou des produits de qualité inférieure, et 94 % des sites web ne disposent pas d’un pharmacien attitré aux compétences vérifiables3. Prudence donc… Surtout si vous faites partie des 35 %4 de patients qui s’autocomplémentent depuis leur diagnostic sans en parler à un professionnel de santé.
À LIRE
Tout sur les compléments alimentaires. Les bons et les moins bons de Pr Luc Cynober, éd. Odile Jacob.
Belle et bien dans son âge. Ma méthode pour prendre de l’âge sans vieillir de Natacha Dzikowski, Leduc.s éditions.
Retrouvez cet article dans Rose magazine (Numéro 22, p. 106)
1. G. S. Omenn, et al., « Risk factors for lung Cancer and for intervention effects in CARET, the Beta-Carotene and Retinol Efficacy Trial », Journal of the National Cancer Institute, 1996.
2. D. Albanes, et al., « Alpha-Tocopherol and beta-carotene supplements and lung cancer incidence in the alpha-tocopherol, beta-carotene cancer prevention study », Journal of the National Cancer Institute, 1996.
3. Selon une enquête publiée en 2008 par l’Alliance européenne pour l’accès à des médicaments sûrs (EAASM).
4. Étude NutriNet-Santé.