Le temps partiel thérapeutique, c’est quoi ?
Pour les débutants : c’est ce qu’on appelle le TPT. Un sigle assez moche mais plus conforme à la réalité que le communément appelé mi-temps thérapeutique. Avec un TPT, vous pouvez reprendre votre travail à 40 %, 50 % ou 80 %… C’est le médecin du travail, en accord avec vous et votre employeur, qui fixe le taux. Vous touchez alors le salaire correspondant à votre temps de travail, auquel s’ajoutent des indemnités journalières (IJ) de la Sécurité sociale pour la partie non travaillée. Ces IJ compensent votre perte de revenus, mais sur la base d’un salaire plafonné à 1,8 fois le smic. Attention donc pour les mieux rémunérés d’entre vous. Votre employeur ne complétera pas forcément ! Car si vous bénéficiez d’un maintien de salaire par l’employeur dans le cadre de l’arrêt-maladie, ce ne sera pas forcément le cas avec un TPT. Cela dépend des conventions collectives.
Quelles sont les conditions requises pour avoir droit au TPT ?
Premièrement : être encore en arrêt ou avoir été arrêté au moins quatre jours depuis que vous êtes en affection de longue durée (ALD). Dans ce dernier cas, il n’est pas nécessaire que cet arrêt précède immédiatement votre demande de TPT. Vous pouvez très bien avoir repris votre travail à plein temps au moment de votre demande. C’est une particularité parfois méconnue qui engendre des refus administratifs illégitimes. Seconde condition : avoir encore droit à des IJ. Les textes stipulent qu’en ALD la durée de perception des IJ est de trois ans à compter de la date de votre premier arrêt, et que le TPT ne peut excéder un an après la durée de trois ans. Le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) en déduit que la durée maximale du TPT est de 3 + 1= 4 ans. Il incite donc à déposer un recours si l’interprétation de la durée du TPT adoptée par le médecin-conseil de l’Assurance maladie est d’un an maximum. La troisième condition est que votre état ne soit pas jugé stabilisé.
A qui le demander ?
La première étape est d’aller voir le médecin (oncologue, généraliste ou médecin du travail) qui vous a arrêté(e) car, en théorie, c’est lui qui prescrit le TPT. Il le recommandera sans doute pour trois ou six mois renouvelables. Vous devrez ensuite aller voir le médecin-conseil de l’Assurance maladie pour qu’il valide la prescription, puis prendre rendez-vous avec le médecin du travail pour la visite de reprise. Celui-ci doit en effet vous déclarer apte et définir, avec vous et votre employeur, les modalités de votre TPT. Il restera ensuite à votre employeur à vous donner son accord. Autant dire que ceux qui obtiennent leur TPT sans stress sont des petits veinards. On vous souhaite de faire partie des chanceux.
Pourquoi le TPT ne s’applique-t-il pas aux états stabilisés ?
L’objectif du TPT est de vous permettre de garder votre emploi en vous autorisant à travailler moins jusqu’à ce que vous soyez capable de reprendre à temps complet. Votre état ne doit donc être que momentanément incompatible avec une reprise à plein temps et l’allègement de vos horaires doit être susceptible de vous aider à vous remettre sur pied. S’il n’y a pas d’amélioration attendue à court terme, les médecins-conseils de l’Assurance maladie considéreront que vous relevez d’une mise en invalidité.
La décision ne s’appuie pas seulement sur des critères médicaux. En plus de l’état du demandeur, elle dépend aussi du type d’emploi qu’il occupe, de son environnement familial et social… Les interprétations peuvent donc diverger d’une caisse de Sécurité sociale à l’autre ou d’un médecin-conseil à l’autre, et les attitudes être plus ou moins conciliantes. Tout cela suscite un sentiment d’injustice d’autant plus fort que, bien souvent, le médecin-conseil qui refuse le TPT engage dans la foulée une demande d’invalidité, ce qui donne la sensation d’y être contraint(e) et forcé(e).
Pourquoi la mise en invalidité est-elle vécue comme un piège ?
Parce que la mise en invalidité au titre de votre ALD vous ôte le droit aux IJ pour tout ce qui concerne cette ALD (donc arrêts de travail et TPT). La pension d’invalidité vient (si elle est accordée) s’y substituer. Mais elle est souvent moins favorable que les IJ ALD du TPT, surtout si vous bénéficiez d’un maintien de salaire en TPT ! C’est vrai à la fois en matière de montant, de fiscalité (imposable) et de cotisations retraite. D’où l’impression des demandeurs de TPT ou de prolongation de TPT de se faire avoir lorsqu’ils sont mis en invalidité alors qu’ils ont encore administrativement droit à des IJ ALD. Mais voilà, les IJ ALD ne sont pas des unités cumulées sur une sorte de compte épargne. Elles ne sont versées que si cela est médicalement justifié.
Enfin, pour ceux qui n’ont plus droit aux IJ ALD, la mise en invalidité devient le seul moyen d’obtenir une compensation financière s’ils sont arrêtés au titre de leur ALD ou s’ils reprennent à temps partiel. Donc tout sauf une arnaque.
Quels sont les recours si l’on vous refuse le TPT ?
Réjouissez-vous : ils sont multiples et gratuits, à quelques recommandés avec AR près, sauf si vous faites appel à un avocat (ce qui est souvent conseillé). Sachez seulement que, jusqu’au verdict, vous n’aurez pas d’indemnités, juste des doutes sur l’issue de la procédure ! Cela étant, si vous êtes sûr(e) de vous, ne lâchez pas.
– Si vous voulez contester une décision administrative de la CPAM (ex : refus de TPT pour cause de crédit d’IJ consommé, autrement dit fin de droits), vous avez deux mois pour saisir la Commission de recours amiable (CRA). En cas de rejet (attention, l’absence de réponse après un mois vaut rejet), vous avez deux mois pour saisir le tribunal des affaires de la Sécurité sociale (Tass). Vous pourrez ensuite faire appel ou vous pourvoir en cassation.
– Si vous voulez contester une décision médicale de la CPAM (ex : refus de TPT pour cause d’état stabilisé), vous avez un mois pour demander une contre-expertise médicale par lettre RAR à votre CPAM ou pour la déposer au guichet contre récépissé. En cas de nouvelle contestation, vous pouvez saisir la CRA en envoyant une lettre à la CPAM dans un délai d’un mois, puis là encore le Tass et la cour d’appel ou de cassation…
– Si vous voulez contester la quotité (50 %, 60 %, 70 %…) de TPT octroyée par le médecin du travail ou votre employeur, ou contester le refus de votre employeur, il vous faudra saisir le conseil de prud’hommes. Sachez que votre employeur n’est pas obligé d’accepter le TPT. Il peut très bien considérer que vous ne pouvez pas travailler en TPT, ou en tout cas pas au taux défini par le médecin du travail. Mais, s’il a le droit de refuser votre TPT, il doit pour ce faire fournir une justification valable.
Que faire pour mettre toutes les chances de votre côté ?
D’abord, vérifiez que vous remplissez bien les conditions du TPT. Faites-vous aider (par une assistante sociale par exemple) car rien n’est pire quand on est malade que les démarches administratives… Et il y a des subtilités à connaître : la différence entre les IJ tout court et les IJ ALD, entre celles qui sont liées à votre cancer et celles qui le sont à une autre ALD (un diabète par exemple). En effet, elles comptent séparément. Enfin, anticipez, en allant très tôt voir le service social de l’Assurance maladie et le médecin du travail. Malgré les craintes de nombreuses personnes, la collusion entre employeur et médecin du travail, en pratique, est rare. Et c’est le médecin du travail qui connaît le mieux votre situation professionnelle. De plus, il est le seul habilité à évaluer votre aptitude à reprendre votre poste et le plus à même de vous expliquer les possibilités d’un TPT, les moyens de le faire appliquer, les solutions de reclassement, etc. Il peut aussi avoir l’expérience de cas similaires dans l’entreprise et anticiper la réaction de l’employeur. Enfin, il est soumis au secret médical. Et, en général, il apprécie que l’on prenne conseil auprès de lui !
L’invalidité, parfois une bonne option
Si on vous propose l’invalidité au lieu du TPT, c’est qu’on estime que votre état est stabilisé. Autrement dit, on pense qu’il ne s’améliorera pas. Pour autant, invalidité ne signifie pas incapacité. Après votre ALD, on peut vous reconnaître une capacité de travail, mais réduite d’au moins deux tiers. En clair, vous pourrez retravailler, vous mettre à temps partiel et toucher une pension d’invalidité qui compensera votre passage à temps partiel. Elle sera moins intéressante que les IJ d’ALD d’un TPT, auxquelles vous n’aurez plus droit, mais la refuser vous priverait de la seule compensation possible (par ailleurs cumulable avec d’autres aides) – et des garanties du régime prévoyance éventuellement souscrit par votre employeur. Malgré tout, vous pouvez refuser l’invalidité : contrairement à l’inaptitude, elle ne peut être imposée. Vous n’êtes pas non plus tenu de la déclarer au médecin du travail ou à votre employeur. Attention cependant : les soins médicaux d’un patient titulaire d’une pension d’invalidité étant pris en charge à 100 % (dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale, à l’exception des médicaments remboursés à 35 % et à 15 %), cette prise en charge apparaît sur les attestations d’affiliation délivrées sur Internet ou aux bornes automatiques de l’Assurance maladie. Si vous ne voulez pas que votre employeur vous sache en invalidité, demandez une attestation spéciale à votre Caisse. Mais pour bénéficier des garanties prévoyance, il reste plus simple de l’en informer.
Inaptitude et invalidité, quelles différences ?
L’inaptitude est reconnue par le médecin du travail. Elle est à entendre non pas comme votre inaptitude à travailler à un poste, mais plutôt comme l’inaptitude de votre poste de travail à vous accueillir sans altérer votre santé… Vous pouvez donc être considéré comme inapte à votre poste mais apte à un autre. L’employeur est obligé de vous chercher une solution de reclassement. S’il n’en a pas ou si aucune ne vous convient, il doit vous licencier. La rupture conventionnelle n’est pas possible.
L’invalidité correspond à une perte de votre capacité de travail liée à votre état de santé (si cette perte ne découle pas d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail). C’est donc le médecin-conseil qui l’évalue.
Adelaïde Robert-Géraudel
Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 15, p. 52)