Chemofog. Ce mot-valise combine deux termes anglais : chemo pour « chimiothérapie » et fog, désignant l’épais brouillard qui s’abat régulièrement sur la ville de Londres. Une expression parfaitement trouvée pour décrire les troubles cognitifs qui embrument le cerveau des malades de cancer. Difficulté à trouver ses mots, à se souvenir où l’on a laissé un objet, à s’orienter, à effectuer plusieurs tâches en même temps, à se concentrer…
2ème plainte des malades
Selon les études, 40 à 72 % des patients en souffriraient. Plaçant ce trouble au 2e rang des plaintes le plus souvent exprimées, après la fatigue, et avant la douleur. La toxicité de la chimiothérapie a pendant longtemps été pointée comme seule responsable de ce brouillard cognitif. Certaines molécules, comme le 5-fluorouracile, capables de passer la barrière hémato-encéphalique, pourraient directement affecter le bon fonctionnement du cerveau. En générant un environnement inflammatoire délétère, la chimio pourrait aussi, indirectement, perturber l’activité cérébrale.
Cancerfog plutôt que chemofog
On sait maintenant que le chemofog est multifactoriel. Il est d’ailleurs rebaptisé « cancerfog » par certains. En effet, d’autres traitements pourraient être en cause, même si leur implication est encore peu étudiée. L’impact psychologique de la maladie est également pointé du doigt. Environ 30 % des femmes diagnostiquées d’un cancer du sein souffriraient de chemofog avant même le début des traitements. Si l’on ne peut pas exclure que la maladie en elle-même puisse avoir des répercussions sur les capacités mentales, il est probable que le choc lié à l’annonce d’un cancer et l’anxiété – voire la dépression – qui l’accompagne expliquent cette impression de confusion mentale. Car, pour la plupart des patients, il s’agit bien d’un ressenti. Seuls 30 % des malades présenteraient une réelle atteinte cognitive.
Rééducation cognitive
Le chemofog est le plus souvent transitoire et s’estompe en général un an après l’arrêt des traitements. Chez certains malades, notamment ceux âgés et fatigués par les traitements, il peut toutefois perdurer plusieurs années. Il est possible d’atténuer le chemofog en entraînant ses fonctions cognitives. On peut, par exemple, exercer son langage en cherchant un maximum de mots ayant la même racine, sa mémoire spatiale en reliant des points numérotés… Certains établissements hospitaliers proposent des ateliers en groupe de rééducation cognitive, comme Onco’gite à l’institut Bergonié, de Bordeaux. Ils sont toutefois encore trop peu nombreux. Pour pallier ce manque, le Pr Florence Joly, oncologue au centre François-Baclesse, à Caen, et spécialiste du chemofog, étudie actuellement une approche individuelle alliant des exercices à faire et un coaching par un neuropsychologue via une plateforme web. Cette solution a l’avantage d’épargner au patient de se déplacer à l’hôpital, tout en permettant de toucher plus de malades.
Emilie Groyer
Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 19, p. 28)
En partenariat avec l’Institut national du Cancer