C’est ce qu’indique l’addictologue Bertrand Lebeau. Cela en renforce l’envie sur le mode « voilà exactement LE produit qu’il me faudrait pour aller mieux » et cela ouvre la porte à de très mauvaises choses. » Concrètement, « la prohibition nourrit les trafics », résume le Pr Amine Benyamina.
Une industrie qui se porte comme un charme. D’après les estimations d’un rapport de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice de 2016, le cannabis rapporte à lui seul près de la moitié du « chiffre d’affaires» du trafic de drogue en France, soit 1,1 milliard d’euros. Fanny, 25 ans, atteinte d’un sarcome des tissus mous depuis deux ans, ne compte plus les propositions de certaines de ses connaissances, quand elle était sous forte chimio. Elle les a toutes refusées : « Comme avec tout ce qui est illégal, on n’a aucune traçabilité, on ne sait pas ce qu’il y a dedans. »
Acheter une barrette, de l’huile ou de l’herbe au coin de la rue, c’est en effet prendre le risque d’ingérer un cannabis bien trop fortement dosé en substance pyschoactive pour un usage médical. « Toutes les saisies, ces dernières années, montrent que la teneur en THC a très fortement grimpé », souligne Amine Benyamina. Se fournir via internet est aussi risqué, explique Bertrand Rambaud, président de l’Union Francophone pour les cannabinoïdes en médecine (UFCM iCare). Face aux demandes de renseignements qui affluent à plus de 800 visites/jour sur le site de son association (y compris pour savoir si le cannabis guérit vraiment le cancer…), il milite pour un système encadré : « un monopole d’Etat qui détermine les variétés autorisées aux malades et fixe un cahier des charges. Parce qu’aujourd’hui, n’importe quel petit malin a vite fait de diversifier son trafic via internet. Il lui suffit d’acheter n’importe quelle huile en gros en Chine ou en Roumanie, de la mettre dans de petites fioles avec de jolies étiquettes ‘cannabis médical’, d’ouvrir un site web, et le tour est joué… »