Une étude du Centre international de la recherche sur le cancer (Circ), publiée fin août dans la revue The New England Journal of Medicine, évalue à plus de 470 000 femmes et 90 000 hommes les personnes qui pourraient avoir fait l’objet d’un surdiagnostic de cancer de la thyroïde en l’espace de vingt ans (1988-2007) dans 12 pays développés (Australie, Danemark, Angleterre, Finlande, France, Italie, Japon, Norvège, République de Corée, Écosse, Suède et États-Unis). « En fait, on a commencé tardivement – vers 2005 – à adapter les traitements aux différents degrés d’agressivité du cancer de la thyroïde, explique l’ancienne malade Beate Bartès. Avant, qu’on observe un microcarcinome ou un gros cancer invasif, on suivait le même protocole : thyroïdectomie totale + iode radioactif + traitement hormonal substitutif. »
Éviter le surdiagnostic et le surtraitement, c’est en tout cas le cheval de bataille du Pr Schlumberger, chef du service Médecine nucléaire et oncologie endocrinienne à Gustave-Roussy. C’est également l’une des récentes recommandations (2015) de l’ATA (association américaine de la thyroïde), élaborées par une équipe internationale de spécialistes dont le Pr Schlumberger fait partie : « Il ne faut pas faire de dépistage échographique systématique, ni de cytoponction pour les nodules solides inférieurs à 10 mm. Mieux vaut dans ce cas proposer une surveillance active ou éventuellement une lobectomie, sans iode 131 ni traitement suppressif par thyroxine. Respecter ce protocole devrait permettre d’éviter des interventions inutiles, chères et potentiellement dommageables. » Qui de surcroît imposent à chaque opéré un traitement substitutif à vie.
Mais l’implication du patient dans la prise de décision est alors essentielle, précise Beate Bartès : « La tentation est grande de demander une intervention dès qu’une probabilité de cancer, même faible, est évoquée (certaines personnes ne voient que les 5 % ou 10 % de risque – pas les 90 % ou 95 % de chances que leur nodule ne soit pas cancéreux !). Mais si on prend le temps de lui expliquer les avantages, les inconvénients et les risques de chaque option, un patient préférera souvent une simple ‘‘surveillance active’’ et conserver sa glande (ou, en cas de lobectomie, au moins une moitié). »