Octobre, un mois où le rose domine. Un mois dédié chaque année au cancer du sein. En octobre 2017, j’ai 48 ans, l’âge des mammographies de contrôle. J’y vais, confiante. Mais le rose vire au noir. On me diagnostique un cancer au sein droit. J’en reste hébétée. J’ai une famille, un conjoint, trois enfants et un métier de coordinatrice dans une société de transport où je m’épanouis depuis trente ans.
Ce cancer, pas question qu’il me coupe les ailes. Et son traitement ne doit rien changer à ma vie. Tumorectomie, chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie… Je serre les dents. Je fais comme si. Je ne veux rien lâcher. Mais, à l’automne 2018, je sors essorée de cette douloureuse traversée du cancer : fatigue, perte de repères, troubles de la mémoire…
Au travail, bien que je sois soutenue par ma hiérarchie et mes collègues, c’est de plus en plus difficile. Je manque de réactivité. Je perds toute confiance en moi. À la maison, même topo. La famille est en vrac. Tout craque.
Le grand tournant
C’est de ma faute. Face au cancer, j’ai été dans le déni, silencieuse, ne voulant pas avouer mes difficultés par peur de décevoir tout mon entourage. J’ai voulu assurer à tout prix, je le paye cash. C’est l’heure du grand tournant. Rupture conventionnelle au travail et rupture tout court avec mon conjoint.
Fin février 2020, je suis à terre, et au chômage. Confinée en ce début de la crise du Covid-19, j’ai le temps de réfléchir à mon avenir, seule dans mon coin. J’habite en secteur rural, à Montmirail dans la Marne. Les rares contacts avec Pôle emploi ne m’aident guère, à distance qui plus est.
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Malgré tout, une nouvelle étape s’ouvre en avril 2020 : je commence un cursus de formatrice pour adultes, qui débouche, neuf mois plus tard, sur un emploi de formatrice au Greta de Châlons-en-Champagne. Pas si nulle, la Véronique !
Dans un coin de ma tête, je sens aussi que mon vécu du cancer, avec tous ses dommages collatéraux, peut être utile à quelque chose… Et peut-être à d’autres. J’ai entendu parler des « patients experts », et de l’université des patients à la Sorbonne. Ça me plaît. Je fais un dossier, soutenue par l’équipe de l’institut de cancérologie Godinot, à Reims, où j’ai été soignée.
Diplômée
J’espère, sans trop y croire, et finalement… mon dossier est accepté ! Deux fois par mois, je me rends donc à Paris, à la Sorbonne. Quand je pense qu’en fin de troisième une conseillère d’orientation m’avait asséné que je n’étais pas faite pour les études !
En juin 2022, mon diplôme de « patiente partenaire et référente en rétablissement en cancérologie » en poche, j’enchaîne avec une certification en éducation thérapeutique du patient (ETP). Et, très vite, de nouveaux horizons s’ouvrent à moi. Je me sens pousser des ailes !
Désormais autoentrepreneuse, je jongle avec un emploi du temps plutôt costaud. Formatrice pour adultes en reconversion, animatrice d’ateliers ETP à l’Institut Godinot, j’interviens aussi en entreprise pour sensibiliser managers et employés à l’accueil et à l’accompagnement de collègues qui entrent dans la maladie. Je leur explique combien la maladie fragilise, isole, dévalorise, et à quel point la parole est importante.
D’accord avec Eleanor Roosevelt
Parallèlement, j’obtiens un local que me prête généreusement la mairie. J’y rencontre sur rendez-vous, et gratuitement, des femmes qui vivent la maladie. On peut aller à l’essentiel avec ceux dont on a partagé les difficultés, les douleurs, les errances !
Ce que j’ai perdu à cause de la maladie n’est pas rien, mais ce que je vis maintenant grâce à elle m’enrichit. J’ai même écrit une petite pièce de théâtre humoristique, Les Bulles acidulées, qui raconte tout ce que l’on peut entendre comme aberrations lorsque l’on vit le cancer. Elle a été jouée dans ma commune, et franchement tout le monde a bien rigolé !
« Vous devez faire les choses que vous vous croyez incapable de faire », disait Eleanor Roosevelt. J’adhère à 100 % !
Retrouvez cet article dans Rose Magazine n°25, p.146