Le Pr Marès est gynécologue obstétricien au Centre Hospitalier Universitaire de Nîmes. Depuis 30 ans, il reçoit des femmes souffrant de syndromes génito-urinaires de la ménopause. Incontinence urinaire, prolapsus(1), sécheresse vaginale pouvant aller jusqu’à l’atrophie voire la fermeture du fond du vagin, douleurs à la pénétration, infections urinaires… Les SGUM, comme les surnomment les experts, sont nombreux. Et très fréquents. On estime que 27% des femmes sont concernées par l’un ou l’autre de ces syndromes. Ce chiffre grimpe à 70% quand il s’agit de femmes ménopausées depuis 7 à 8 ans.
Trop peu d’attention portée par les médecins
Pourtant, leur prise en charge reste très insatisfaisante pour le Pr Marès. “Il s’agit d’une pathologie qui représente un handicap majeur pour la vie des femmes et personne ne s’y intéresse, s’indigne le Pr Marès. Des études ont montré que cela avait une incidence sur le sommeil, l’image corporelle, l’humeur. Mais, comme je dis régulièrement à mes collègues dans les congrès, la seule réponse qu’on apporte à ces femmes ce sont des somnifères et des anti-dépresseurs. C’est insupportable d’entendre que l’on porte, encore de nos jours, si peu d’attention au corps de l’autre en disant qu’il s’agit seulement de problèmes psychologiques.”
96% des femmes touchées par un cancer du sein souffrent de SGUM
Agacé par cet attentisme, le gynécologue veut rendre compte de l’ampleur du phénomène et décide de lancer une grande enquête auprès des femmes en post-ménopause. Et auprès des femmes touchées par un cancer du sein en particulier. “Nous nous sommes intéressés à cette population car le cancer du sein touche souvent des femmes autour de la période de la ménopause. S’ajoutent à cela des traitements qui impactent la sphère gynécologique. On le sait, la chimiothérapie détruit les muqueuses. On parle souvent de ses effets indésirables sur les muqueuses buccales avec les mucites. Mais on oublie de dire que cela touche aussi les muqueuses vaginales. Et puis, il y a l’hormonothérapie qui bloque les hormones sexuelles et aggrave la sécheresse vaginale” détaille le gynécologue.
96% des femmes souffrent d’au moins un SGUM
En moins de 3 semaines, grâce aux Seintinelles, les différentes équipes impliquées dans l’étude collectent plus de 1100 réponses concernant l’impact des SGUM sur la vie quotidienne, leur prise en charge (ou leur absence de prise en charge) et les attentes des femmes. Un record. “C’est extrêmement rapide pour un sujet soi-disant anecdotique ! Cela montre bien que le problème est réel et que, lorsqu’on prend le temps de les interroger dans un cadre confidentiel, les femmes en parlent.” Les chercheurs sont encore en train d’analyser les résultats mais les premières données sont sans équivoque : 96% des femmes ayant répondu à l’enquête souffrent d’au moins un SGUM, 68% souffrent de sécheresse vaginale et 68% ont une vie sexuelle perturbée.
Une vingtaine de traitements possibles… mais non remboursés
Avec de tels chiffres, le Pr Marès peut à présent taper du poing sur la table. “Je veux dire à nos tutelles et aux soignants : Regardez ! Ça se passe en France en 2021 ! C’est dramatique !” C’est la première bataille du gynécologue : faire en sorte que les mentalités changent. “Il faut s’occuper de ce problème. D’autant que nous avons des solutions qui s’adaptent à chaque femme. Aujourd’hui, on a une vingtaine de thérapeutiques locales sous forme de gel/ovule/crèmes, mais aussi des lasers et la photobiomodulation.”
Des solutions qui ne sont malheureusement pas remboursées. C’est la deuxième bataille à laquelle il s’attèle à présent : “Je négocie actuellement avec les mutuelles pour qu’elles prennent en charge au moins partiellement le coût de ces traitements. Pour que les patientes ne vivent pas une double peine…”
En parler plus tôt
Dernier objectif du Pr Marès : faire en sorte que les SGUM soient pris en charge plus précocement dans le parcours de soins. À l’Institut de cancérologie du Gard où il exerce, le gynécologue a mis en place des consultations pré-traitements pendant lesquelles des infirmières d’annonce interrogent les patientes. “On avait déjà des grilles de questionnaires concernant la nutrition, l’activité physique… On en a ajouté sur la sexualité.” L’objectif : inciter les femmes à parler de ce sujet encore tabou pour détecter le plus tôt possible d’éventuels troubles et les adresser à des gynécologues. “Le problème c’est que souvent les médecins attendent qu’il y ait des lésions pour commencer à les prendre en charge, constate le Pr Marès. C’est surtout ce qu’il ne faut pas faire. Il faut mettre en place des stratégies thérapeutiques en amont. Si on attend, il devient plus difficile de traiter ces problèmes.”
Et pour sensibiliser et former ses collègues à ces traitements, dont certains sont encore peu connus, le gynécologue a créé le premier DU de Médecine et chirurgie reconstructrice et plastique pelvi-périnéale. Une initiative qui commence à faire des petits puisqu’une formation équivalente est à présent proposée par l’Université Paris-Est Créteil.
LIRE AUSSI : Retrouvez tous nos articles sur les solutions qui existent pour soulager les SGUM ici.
Emilie Groyer
- Aussi appelé “descente d’organes”