« L’aviron a changé ma vie ! » clame Cécile, rameuse à la section d’aviron santé du Cercle de l’aviron de Lyon (Rhône) depuis 2019. Elle s’y est inscrite peu de temps après avoir appris qu’elle avait un cancer du sein. « J’avais toujours rêvé d’en faire, mais cela me paraissait inaccessible, trop technique, trop physique. Le cancer m’a permis d’oser. »
Souvent considéré, à tort, comme un sport élitiste, l’aviron peut faire peur. Pourtant, avec près de 70 clubs labellisés en sport santé en France (voir encadré), il fait partie des activités les plus accessibles et les plus bénéfiques pour retrouver le goût du sport et de l’effort après une épreuve comme le cancer.
« L’aviron est bon pour le cœur et pour le corps ! » certifie Yvonig Foucaud, conseiller technique national au sein de la FFA (Fédération française d’aviron), avant d’ajouter: « le mieux est de commencer avec un kiné ou un coach formé en sport santé ». C’est le cas de Jocelyne Rolland. Kinésithérapeute spécialiste du cancer du sein, elle est à l’initiative de la méthode Avirose, une pratique indoor, sur rameur. « Nous sommes très à cheval sur la qualité du geste, qui n’est ni compliqué ni traumatisant, même après une opération, à condition de le réaliser correctement. Deux à trois séances suffisent à l’assimiler », souligne-t-elle.
Un sport addictif
Une bonne option, donc, pour s’initier avant d’envisager un embarquement. Car, comme l’indique Manon Zwisler, coach d’aviron santé à l’Aviron décinois (Rhône) : « Le bateau suscite beaucoup d’appréhension. Les gens ne s’en sentent pas capables, surtout avec la maladie. »
Dès les premières séances en salle, elle évoque le bateau, régulièrement. « Puis, le jour où les conditions météo et de plan d’eau sont parfaites, nous faisons un petit essai sur un bateau large et stable. On va renouveler l’expérience une fois, deux fois… Rapidement, presque tout le monde adore ! »
Au point, parfois, d’avoir du mal à s’arrêter ! Comme en témoigne Pauline Kozak, coach d’aviron santé au Cercle de l’aviron de Lyon : « Une part de mon travail consiste à les stopper, à leur dire : “Allez ! c’est l’heure de rentrer !” Elles prennent tant de plaisir à glisser sur l’eau que je dois anticiper leur fatigue, veiller à ce qu’elles ne se blessent pas pendant ou après la séance ».
L’ergomètre en toutes saisons
Pour éviter de se faire mal, il est conseillé de faire des petites sessions en salle sur un ergomètre face à des miroirs, pour s’assurer qu’on a bien toujours la bonne position. En plus d’être l’outil idéal pour corriger ou perfectionner son mouvement, l’ergomètre s’utilise en toutes saisons ! Et, avec un peu d’imagination et le concours d’un coach, la pratique peut s’avérer ludique.
« J’aime bien proposer des petits circuits de cinq minutes, sous forme de jeux et d’exercices, seul ou en équipe, s’amuse Manon Zwisler. C’est aussi l’occasion de travailler des parties du corps spécifiques, notamment pour les femmes qui ont des faiblesses musculaires localisées, des problèmes d’équilibre ou de coordination. »
Comme pour la majorité des sports adaptés, l’entraînement est individualisé. « Nous coachons les participantes comme un groupe de sportifs de haut niveau. Chacune a son parcours, ses spécificités, ses pics de forme et ses moments de faiblesse », observe Pauline Kozak.
Rééducation douce et ludique
Cécile, après son curage ganglionnaire, a tout de suite ressenti les bienfaits de l’aviron sur son bras opéré : « Quand je ne rame pas pendant deux ou trois jours, mon bras commence à gonfler et à me faire mal. Alors, je sais qu’il faut que j’y retourne. C’est aussi le plus beau des gestes pour ma rééducation. »
« Contrairement aux idées reçues, on ne tire pas sur les bras, on utilise les jambes, le gainage, le dos, les chevilles : tout travaille ! lance Sylvie, qui forme avec Cécile un duo de rameuses de choc depuis 2019. Il faut aussi apprendre à lâcher prise pour faire glisser son bateau. »
Sport d’endurance, sollicitant les muscles de façon symétrique et assouplissante, l’aviron est une discipline parfaite pour une réathlétisation réussie et en douceur. On s’y amuse aussi, grâce aux petits ordinateurs de bord intégrés aux rameurs, qui permettent de se donner des challenges, seule ou en groupe.
Objectif : la compétition
Une compétition indoor est d’ailleurs organisée tous les ans, en parallèle des championnats de France d’aviron. Le Challenge Avirose réunit ainsi des équipages issus des sections sport santé de toute la France pour une compétition joyeuse et conviviale.
« Pour beaucoup, c’est l’objectif de l’année, qui les motive à venir régulièrement, apprécie Jocelyne Rolland. Même celles qui ne peuvent pas ramer font partie du voyage pour encourager leurs coéquipières ! »
Pour nombre de ces initiées, l’aboutissement, c’est de ramer sur l’eau, voire de participer à des courses mythiques comme la Vogalonga, à Venise. Pauline Kozak propose un accompagnement sur trois années, jalonné d’étapes, pour atteindre ce Graal. « On trouve un nom d’équipe, un logo, une identité au groupe. On se fixe des objectifs à court, moyen, long terme. Chaque échéance passée fait du bien au mental. »
« Sur l’eau, on oublie tout »
Elle a déjà emmené des équipages de rameuses sorties de la maladie à Sète, dans les calanques de Cassis, et une fois elles ont été invitées à naviguer sur la rivière Charles, lors de la Charles Regatta, à Boston (États-Unis).
« La notion d’équipage est très importante. L’effort est individuel, mais on ne rame pas seule. Le groupe est un soutien », souligne Pauline. « À partir du moment où on met un pied au club, on ne se vit plus comme malade, s’enthousiasme Cécile. Sur l’eau, on oublie tout. Il y a comme un côté méditation. » « On se sent voler comme un oiseau ! » renchérit Sylvie.
Pris de passion pour les compétitions, le duo enchaîne les rendez-vous sportifs, allant même jusqu’à décrocher des médailles. « Monter sur un podium est une sensation incroyable! rapporte encore Cécile. Quand on voit le chemin parcouru pour arriver là, ce sont des émotions très intenses. »
Et addictives. Au point que les froides journées d’hiver, la brume glaçante sur l’eau, ou encore les pontons gelés de la Saône ne les effraient pas. « En ramant, on se réchauffe vite ! s’amuse Sylvie. L’aviron demande tellement de concentration que l’on est obligées de penser à ce que l’on fait, c’est très bon quand on souffre de troubles de l’attention ou de la mémoire liés à l’hormonothérapie par exemple ! Un sport qui demande tant d’investissement qu’après une séance on se sent vidées… » Mais heureuses !
INFO + : Retrouvez les 70 clubs d’aviron labellisés en sport santé sur cette carte interactive :
Retrouvez cet article dans Rose Magazine numéro 25.