Après un cancer du sein en 2001– soigné grâce à une tumorectomie et de la radiothérapie -, j’ai dû chaque année faire des examens de contrôle. A chaque fois, j’y suis allée avec la peur secrète qu’on me trouve un nouveau cancer. Alors quand, en 2020, ce que je redoutais tant est arrivé, j’ai décidé que je n’avais plus envie de vivre dans la peur de mourir. Avant même d’avoir eu le résultat de ma biopsie – qui ne faisait pour moi aucun doute : j’étais sûre que c’était un cancer – je suis allée me renseigner sur des sites anglosaxons pour savoir ce qui se faisait chirurgicalement si on désirait rester sans sein mais en ayant un joli fini.
« Madame, si je faisais ce choix pour moi, mon mari me quitterait ! »
C’est là que j’ai découvert qu’il existait la reconstruction à plat. J’ai aussi cherché sur internet des profils de chirurgiens. J’en ai choisi 4 et pris rendez-vous avec eux sans attendre. A chacun, j’ai posé les mêmes questions et exposé clairement ma volonté : j’entendais qu’on me retire aussi bien mon sein touché pour la seconde fois que l’autre. Tout en expliquant pourquoi je voulais cette ablation totale, je spécifiais aussi qu’au cours de la même opération, je souhaitais qu’on réalise une reconstruction à plat avec une cicatrice arrondie, un fini lisse, sans surplus de peau, ni “oreille de chien“.
Le premier a essayé de me convaincre de faire une reconstruction immédiate, le deuxième également. Ce n’était pas ce que je souhaitais, je ne me suis pas senti écoutée. Une troisième m’a dit « Madame, si je faisais ce choix pour moi, mon mari me quitterait ! ».
Mon mari a très bien accepté mon nouveau corps
Le quatrième, enfin, m’a écoutée et considérée comme un être égal et doué de réflexion ! Il m’a dit que c’était possible sauf que, compte tenu de ma pathologie, il ne pourrait pas faire de cicatrice arrondie. Elle serait belle mais droite. On est tombé d’accord sur cette solution, et il m’a demandé d’écrire une lettre pour expliquer mon choix en quelques lignes. Je lui ai envoyé trois pages !
Autant lors de mon premier cancer, je n’en avais parlé à personne, autant là, j’en ai parlé à tout le monde : à mes filles de 25 et 22 ans, à la famille, à mes amis, en leur précisant mon choix. Certaines personnes m’ont dit que j’étais trop radicale. Mes filles, d’emblée très soutenantes, m’ont dit « On te comprend ».
La première réaction de mon mari a été de me demander pourquoi je ne voulais pas garder mon sein sain. Je lui ai expliqué cette peur avec laquelle je vivais depuis près de 20 ans, de voir revenir le cancer dans ma poitrine, et mon désir d’avoir un buste équilibré. Lors de mon rendez-vous pré-opératoire, il est venu avec moi. Le chirurgien lui a demandé ce qu’il pensait de ma décision. Il a eu cette réponse géniale : « Ce n’est pas mon corps. Elle fait ce qu’elle veut ». Après l’opération, c’est lui qui m’a aidée à faire ma toilette, il préparait mes repas etc, il a pris soin de moi.
Libérée du regard et des injonctions faites aux femmes
De mon côté, un mois après l’intervention, en me regardant un matin dans le miroir, je me suis dit « C’est moche ». Cela a été la seule et unique fois. Très vite, j’ai adoré jouer avec ma silhouette. Je me suis sentie aussi libre de mes mouvements que lorsque j’étais enfant : je peux danser, sauter, courir, et je n’ai plus à porter de soutien-gorge !
Aujourd’hui, j’aime mettre des vêtements près du corps, jouer avec les matières transparentes, les décolletés. J’adore porter des dos nus ! Dans le miroir, je vois une femme alignée, apaisée et épanouie. Je me sens belle. Je me suis libérée du regard des autres, de certaines injonctions aussi sur le corps des femmes. De m’être battue pour ce que je voulais, et d’y être arrivée me rend super fière.
À LIRE : Retrouvez tous les épisodes de notre série « J’ai choisi la reconstruction à plat »
Propos recueillis par Sandrine Mouchet