Deux après le diagnostic d’un cancer du sein, 1 femme sur 5 n’a pas repris d’activité professionnelle. C’est ce que révèle une étude française publiée dans le Journal of Clinical Oncology en fin d’année 2019. Basée sur la cohorte CANTO (voir encadré), l’analyse a porté sur 1 900 femmes de moins de 57 ans – soit à au moins 5 ans de l’âge minimum de départ à la retraite -, en emploi au moment du diagnostic et ne présentant pas de récidive de la maladie.
Les anciennes malades qui n’avaient pas retrouvé un emploi étaient pour les 3/4 en arrêt maladie, 9% en recherche d’emploi, 6,5% à la retraite, 5,5% sans emploi et 5,5% dans une autre situation. Par ailleurs, parmi les femmes en activité 2 ans après le diagnostic, 24% étaient à temps partiel alors qu’elles travaillaient à temps plein avant leur cancer.
Principal facteur : les troubles anxieux et dépressifs
Afin d’identifier les raisons expliquant de ce non-retour à l’emploi, les chercheurs ont étudiés différents facteurs : le stade de la maladie, l’état de santé des femmes au moment du diagnostic (comme l’existence d’autres pathologies), la toxicités des traitements reçus, ainsi que la fatigue physique et émotionnelle des malades. Les résultats ont montré que les anciennes malades ont moins de chance de retrouver un emploi si elles souffrent de troubles anxieux ou dépressifs à la fin des traitements. Sans surprise, la pénibilité du travail – notamment le travail manuel – impacte négativement le retour à l’emploi ; les femmes souffrant souvent de fatigue et de séquelles au bras suite à une mastectomie et au curage ganglionnaire.
Le trastuzumab mis en cause
De façon plus étonnante, les chercheurs ont identifié que le trastuzumab associé à une chimiothérapie peut diminuer les chances de reprendre une activité. Ainsi, 34% des femmes traitées par cette combinaison étaient sans emploi 2 ans après le diagnostic. Cette thérapie ciblée, traitement standard des cancers du sein HER2+, est pourtant en général bien tolérée. « Est-ce sa toxicité à long terme, même si elle est faible, la cause ? Est-ce la formulation par voie intraveineuse et son administration à l’hôpital sur une longue durée qui joue ? Nous sommes en train d’affiner les paramètres pour mieux comprendre » a indiqué Ines Vaz-Luis, oncologue à Gustave Roussy et co-auteur de l’article, dans le communiqué de presse.
Enfin, et pour la première fois, le développement d’effets indésirables sévères (grade 3 et plus) aux traitements anti-cancéreux a également été pointé du doigt.
Les auteurs espèrent que leur étude permettra la mise en place de programmes multidisciplinaires adaptés – qui ne prennent pas seulement en compte les problématiques professionnelles mais intègrent aussi les composantes physiques et psychologiques – afin d’éviter que ces femmes vulnérables se retrouvent à la marge de la société.
LA COHORTE CANTO
Promue par Unicancer, qui réunit l’ensemble des Centres de lutte contre le cancer (CLCC), et dirigée par le Pr Fabrice André, oncologue spécialisé dans le cancer du sein à Gustave Roussy, directeur de recherche Inserm et responsable du laboratoire « Identification de nouvelles cibles thérapeutiques en cancérologie » (Inserm/Université Paris-Sud/Gustave Roussy), la cohorte prospective CANTO pour CANcer TOxicities est composée de 12 000 femmes atteintes d’un cancer du sein localisé prises en charge dans 26 centres français.
Elle a pour objectif de décrire les toxicités associées aux traitements, d’identifier les populations susceptibles de les développer et d’adapter les traitements en conséquence pour garantir une meilleure qualité de vie dans l’après-cancer.