La récidive est une épée de Damoclès qui flotte au-dessus de la tête de toutes femmes ayant été touchées par un cancer du sein. Pour réduire ce risque, les oncologues disposent de traitements dits “adjuvants” qui diffèrent selon le type de cancer. On connaît par exemple l’hormonothérapie pour les cancers hormonodépendants (exprimant les récepteurs aux hormones sexuelles : oestrogènes et progestérone). Pourtant, environ un quart des femmes particulièrement à risque rechuteront dans les 3 ans suivant leur prise en charge.
L’olaparib : un nouvel espoir pour les femmes à haut risque de récidive
Dans ce contexte, les résultats de l’étude OlympiA, présentés à l’ASCO et publiés dans la prestigieuse revue New England Journal of Medicine, redonnent de l’espoir. Cet essai clinique de phase 3 s’est intéressé précisément à ces femmes à haut risque de rechute. À savoir, des femmes présentant une mutation germinale1 du gène BRCA et ne surexprimant pas HER2 (HER2-). Son but était de comparer l’efficacité des traitements adjuvants standards à celle d’un an de traitement par olaparib, un inhibiteur de PARP (voir encart). Une première pour ce médicament indiqué jusque-là pour des cancers en condition métastatique.
Résultat : l’olaparib diminue le risque de rechute de 42% par rapport aux traitements standards et augmente la médiane de survie sans progression de 2,8 mois. “Au-delà d’être statistiquement significatifs, ces résultats présentent un bénéfice clinique pertinent : grâce à l’olaparib, 8 à 9 femmes sur 100 ne rechuteront pas du cancer du sein” explique le Dr Olivier Trédan, coordonnateur du Département de cancérologie médicale au centre Léon Bérard (Lyon). Le bénéfice est tellement important dans cette population à haut risque que cela va très certainement changer les référentiels à court terme. On va pouvoir proposer les inhibiteurs de PARP à toutes les femmes qui ont des mutations germinales de BRCA, et particulièrement les cancers triples négatifs. »
Si le sénologue reconnaît l’importance de ces résultats, il reste toutefois prudent : “Cette étude n’a que quelques années de recul. Or, on sait que le cancer du sein peut rechuter à 5, 8 ou même 10 ans.” Autre point de vigilance : la toxicité. “Ce n’est pas un traitement anodin, admet le Dr Trédan. On observe des troubles digestifs dans une grande proportion des cas : plus d’une femme sur 2 souffre de nausée. La fatigue touche également 40% des femmes. Il y a aussi des troubles hématologiques, principalement une baisse des globules rouges, dans 20% des cas. Ce sont des toxicités assez habituelles de l’olaparib que l’on peut gérer en routine. Mais elles peuvent être gênantes au quotidien. Et comme il s’agit de résultats précoces, on ne connaît pas encore les effets au long cours.”
Des signatures génomiques pour mieux déterminer la durée l’hormonothérapie
Cette étude est la première à évaluer l’olaparib en situation adjuvante …mais sans doute pas la dernière. Des stratégies d’escalade et de désescalade de durée de la prise seront probablement testées pour déterminer si 6 mois d’olaparib ne seraient pas aussi efficaces qu’un an. Ou, à l’inverse, si 2, 5 ou 10 ans de traitement n’apportent pas un bénéfice plus important.
Cela a été le cas pour un autre traitement adjuvant : l’hormonothérapie. Administrée à l’origine pendant 5 ans, ce traitement peut à présent être prolongé jusqu’à 10 ans si le risque de rechute est considéré comme important. Mais les effets indésirables qui l’accompagnent sont parfois si intolérables qu’ils conduisent une femme sur 6 à arrêter son traitement après un an.
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Une problématique qui commence à être prise en compte comme en attestent 3 études présentées à l’ASCO portant sur des signatures génomiques2 permettant de prédire l’intérêt de prolonger l’hormonothérapie au-delà de 5 ans. “Aujourd’hui, le choix de l’extension de l’hormonothérapie se fait sur des critères cliniques de mauvais pronostic : typiquement, l’envahissement ganglionnaire, précise le Dr Trédan. Ces études montrent qu’on pourrait utiliser des signatures génomiques à la place.”
Les signatures génomiques sont déjà utilisées en routine par les oncologues pour décider s’il est pertinent ou non d’administrer une chimiothérapie adjuvante. Ces nouveaux résultats montrent que ces analyses génétiques permettraient également d’identifier les femmes qui bénéficieront réellement d’un prolongement à 10 ans de leur hormonothérapie. Et éviter ainsi une dégradation de leur qualité de vie inutile aux femmes qui n’en bénéficieraient pas. « Ça reste toutefois très hypothétique. Tout ça demande à être confirmé” tempère le Dr Trédan.
C’est quoi PARP et pourquoi l’olaparib est indiqué uniquement pour les femmes mutées dans les gènes BRCA ?
Lorsqu’une cellule se divise, elle doit dupliquer son ADN. Lorsque les divisions se font de façon rapide et anarchique, comme c’est le cas pour les cellules tumorales, il peut se produire des « erreurs », notamment des cassures dans l’ADN.
Des mécanismes de réparation entrent alors en jeu pour « recoller » l’ADN. Ils impliquent des protéines, notamment les protéines PARP. L’olaparib, en inhibant l’action des PARP, empêche ce processus de réparation. Mais, comme la nature est bien faite, elle a prévu un plan B : si les protéines PARP ne peuvent pas jouer leur rôle, les protéines BRCA prennent le relai.
Chez les malades présentant une mutation dans les gènes BRCA, ce « plan B » n’est pas opérationnel. La cellule tumorale mutée dans BRCA et soumise à un inhibiteur de PARP n’aura donc plus d’options pour réparer son ADN et va « se suicider ».
C’est pour cette raison que l’olaparib est efficace seul uniquement chez les personnes présentant une mutation dans les gènes BRCA.
Emilie Groyer
1. Une mutation germinale est une mutation de l’ADN qui touche l’ensemble des cellules de l’organisme, dont les gamètes, et peut donc être transmise à la descendance.
2. La signature génomique est une analyse d’un certain nombre de gènes du malade permettant de prédire l’efficacité d’un traitement.