Difficile d’imaginer, lorsque l’on voit ses trois sportives en pleine action, que l’aventure de cette équipe de femmes débute dans un couloir d’hôpital. Véronique est une grande sportive, adepte du grand air et de la nature. Originaire de la région de Grenoble, elle est indissociable de la montagne: fouler le sol rocailleux, admirer les paysages, c’est ce qui lui permet de respirer et de s’évader.
Pourtant, lorsqu’elle découvre son cancer du sein en 2013, impossible de trouver une association sportive qui réponde à ses attentes : « Même malade, je continuais à faire beaucoup de sport. C’est ce qui m’a permis de tenir ! J’ai perdu mes cheveux pendant une sortie de ski randonnée. Je faisais cela avec mes amis mais j’avais l’impression d’être un poids. Je voulais trouver un endroit où je pouvais partager ce qu’il m’arrivait », raconte Véronique.
La montagne comme remède à la maladie
Après un stage au sein de « Chacun son Everest » , elle saute le pas et lance l’association « Des Sommets pour Rebondir ». Fondée en 2014, elle permet à des femmes confrontées au cancer d’accéder aux activités de montagne : « Je voulais trouver le moyen de transmettre mon énergie », explique Véronique. Une fois par mois, l’organisation – en partenariat avec le bureau des guides et accompagnateurs de Grenoble – propose différentes sorties pour tous les niveaux, qui varient en fonction des saisons et surtout, qui s’adaptent aux participantes. Ski de fond, raquettes, escalade ou encore randonnées sont au programme.
C’est par le biais de l’association que les trois femmes se rencontrent. Carine rejoint ses rangs en 2017, Maud en 2018: « Quand j’avais mon cancer du sein, j’ai fait de la gymnastique adaptée, je n’ai pas du tout aimé, explique Maud. J’ai découvert le projet de Véronique grâce à une affiche dans les couloirs de l’hôpital. Je suis rentrée dans l’association alors que j’étais encore sous traitement. Ça m’a beaucoup aidé de voir ces femmes qui avaient vaincu la maladie. Je me disais que ça serait moi dans peu de temps ! »
« L’intitulé « amazones » nous correspondait bien car on avait toutes une paire de seins plus ou moins complète », Maud
Une fois par an, « Des sommets pour Rebondir » embarque ses adhérentes dans une « folle ascension ». En 2018, elles partent à l’assaut de la chaîne du Mont Rose qui culmine à 4 000 mètres, entre la France et l’Italie. C’est le déclic, les trois comparses se rendent compte qu’elles partagent toutes l’envie de réaliser un raid : « J’avais rêvé de cela quand j’étais au fond de mon lit, à ne pas savoir si j’allais survivre. Je me suis dit que si je m’en sortais, je réaliserai ce rêve », raconte Maud. Au printemps 2019, elles s’inscrivent pour participer au Raid Amazones 2019 : « L’intitulé « amazones » nous correspondait bien car on avait toutes une paire de seins plus ou moins complète, sourit Maud, et puis l’association est toute petite, sans budget. On s’est dit que la course permettrait de la faire connaître et de la développer ».
L’envie de se dépasser
Côté pratique, il faut s’activer pour trouver les 12 000 euros nécessaires à leur participation. Après des heures de démarches et de recherche, les trois femmes atteignent leur but et réussissent à se faire financer leurs billets d’avion par Ozalys, une gamme de produits de beauté conçue pour les femmes touchées par le cancer. En ce qui concerne la partie sportive, elles s’entraînent de leur côté, et lorsque leurs emplois du temps le permettent, elles se retrouvent sur les quais de l’Isère.
En Asie, les trois sportives se découvrent des traits de personnalité et des aptitudes qui leur permettent de se compléter : « Véronique est super forte en course à pied, Karine est très endurante et moi, j’ai un côté un peu bourrin qui permettait de donner un coup de fouet ». Très mauvaises en canoë, elles explosent les records avec l’épreuve de « run and ride », qui consiste à alterner, toutes les 1 minute 30, pendant 26 kilomètres, entre course à pied et vélo. Durant toute la compétition, l’équipe s’épaule, et chacune aide l’autre à se dépasser. Elles terminent 14ème mais peu importe le résultat : « Nous sommes parties dans l’idée de nous confronter à un monde sportif différent de celui de l’association. Nous voulions nous prouver que l’on pouvait être en compétition avec des personnes qui n’avaient pas été malades », développe Maud.
Une amitié sous le signe du sport
Au-delà de l’aspect sportif, c’est la découverte qui prend le dessus. Nouveau pays, nouveaux paysages, nouvelles personnes : « Ce qui contribue à faire de cette aventure quelque chose d’incroyable, ce sont les rencontres », se souvient Maud. D’ailleurs, les trois amies se lient d’amitié avec l’équipe Ayala qui court pour le syndrome de Rett (maladie génétique rare se développant chez les très jeunes enfants et provoquant un handicap mental et des atteintes motrices sévères). « Dès le premier jour elles étaient devant nous au classement. Nous les avions repérées car elles portaient de hautes chaussettes violettes, aux couleurs de leur association. Elles avaient l’air très sympa. Pour s’amuser, nous voulions les rattraper. Au final, elles sont arrivées juste derrière nous, à la 15ème place. Le dernier jour, elles nous ont offert leurs chaussettes. On espère se retrouver sur une autre course en France », se remémore Maud.
Depuis leur retour, les trois coéquipières fourmillent d’idées et s’imaginent déjà créer leur propre raid. Le nom ? « Avec ou sans nichons ».
Chloé Cenard