Constipation, diarrhée, ballonnements, douleurs abdominales… Pendant les traitements, les intestins ne sont pas à la fête. Bichonner son microbiote (nom savant de la flore intestinale) en lui offrant sur un plateau des aliments riches en probiotiques (micro-organismes vivants) « est donc un excellent réflexe à adopter pendant la chimio ou l’immunothérapie, ainsi qu’en complément de tout traitement associé, comme la corticothérapie et l’antibiothérapie », explique le Dr Éric Ménat, médecin généraliste à orientation phytothérapique et homéopathique. Sur leur passage, en effet, les médicaments ne détruisent pas seulement les bactéries néfastes. Ils s’attaquent aussi aux bonnes, celles qui ont un effet protecteur. Or, cette micro-faune est essentielle : elle permet notamment d’assimiler des aliments non transformables par nos enzymes, comme les fibres. Mais, plus largement, « le microbiote agit comme un véritable soutien à notre métabolisme, explique le Dr Daniel Sincholle, pharmacologue, auteur du Nouveau Guide des probiotiques. Ces milliards de bactéries ont leur propres gènes, apportent les vitamines du groupe B ou encore fabriquent les acides gras à courte chaîne qui sont la nourriture préférée des cellules qui bordent le côlon ».
Mise en garde
Dans son rapport d’avril 2018, l’Anses indiquait que la prise de levures Saccharomyces boulardii par un sujet immunodéprimé, porteur d’un Port-à-cath, pouvait conduire à une infection fongique, voire à une septicémie. Contrairement aux idées reçues, l’Ultra-levure, qui peut provoquer une candidose, n’est pas recommandée pendant les traitements, sauf en cas de diarrhée due aux antibiotiques.
Améliorer la réponse à l’immunothérapie
Chez les personnes atteintes de cancer, il apparaît que cette armée est moins diversifiée que chez les non-malades. Et que cette différence n’est pas neutre. Ainsi, en analysant le microbiote de certains patients, l’équipe du Pr Laurence Zitvogel (institut Gustave-Roussy) a montré que la présence de la bactérie Akkermansia muciniphila améliorait la réponse à l’immunothérapie par anticorps anti-PD-1 indiquée dans certains cancers du rein, du poumon… L’administration de cette bactérie à des souris au microbiote déséquilibré a montré que l’activité anti-tumorale de l’immunothérapie s’en est trouvée restaurée. Les chercheurs ont par ailleurs noté que la prise d’antibiotiques en cas d’infection perturbait l’immunité anti-tumorale et bloquait les effets de la chimio et de l’immuno. En clair, la composition du microbiote intestinal module la réponse immunologique. C’est un facteur prédictif des effets positifs de la chimio et de l’immuno.
Alors, le microbiote, nouvel eldorado ? Il attise en tout cas l’intérêt de nombreuses sociétés, comme Enterome Bioscience, qui cherche à en extraire de nouveaux médicaments de la famille des immunothérapies. Ou comme Maat Pharma, une biotech lyonnaise qui vient d’obtenir des résultats très encourageants avec 25 patients traités pour une leucémie aiguë. L’essai a consisté à leur prélever, avant traitement, un peu de microbiote intestinal, à le congeler à – 80 °C, puis à le leur réinjecter quelques jours plus tard, après une prise d’antibiotiques. Résultat : les bactéries peuvent recoloniser l’intestin, les patients résistent mieux à la suite du traitement et, un an plus tard, ils affichent un taux de survie de 84 %.
L’oncomicrobiotique – Test fécal (analyse métagénomique) permettant de prédire la réponse au traitement – en est encore à ses balbutiements et rares sont les oncologues à proposer une analyse du microbiote à leurs patients avant de choisir un traitement. Mais pour certains néanmoins, comme le Dr Jean-Loup Mouysset, « prescrire des probiotiques, c’est automatique »…
Cent mille milliards…
Le microbiote correspond à l’ensemble des micro-organismes qui vivent sur et dans notre corps. Il comprend les bactéries, les champignons, les parasites et les virus. La majeure partie cette « petite » communauté – cent mille milliards de micro-organismes – cohabite dans l’intestin et pèse 1 à 2 kg. Sa composition est dictée par des facteurs génétiques, nutritionnels et environnementaux.
Retrouvez cet article dans Rose magazine (Numéro 15, p. 144)