« 100 millions de morts au XXe siècle », peut-être « 1 milliard au XXIe »… Dans son livre coup de gueule1, le Dr Martine Perez dénonce avec force les ravages de la cigarette, tandis que Golden Holocaust2, un brûlot de Robert Proctor, révèle les documents noirs de l’industrie du tabac. De quoi écraser son ultimissime mégot ?
Pas pour Marguerite, Isa et Fleur. Du haut de leurs 13 ans, les ados profitent au contraire de la rentrée des classes pour « cramer » leur première clope. Le moment est solennel. Tragique aussi. Si l’on se réfère aux projections, l’une d’entre elles risque fort d’en mourir un jour.
Car les femmes fument de plus en plus tôt, et de plus en plus, en moyenne 12,6 cigarettes par jour.
« La mortalité par cancer bronchique atteindra bientôt celle par cancer du sein »
« Chez les 35-44 ans, la mortalité a été multipliée par quatre entre 1985 et 1998, constate Catherine Hill, chef du service de biostatistique et d’épidémiologie de l’Institut Gustave-Roussy. Les générations de femmes qui vieillissent fument davantage que les précédentes et la mortalité par cancer bronchique atteindra bientôt celle par cancer du sein. Nous allons droit à la catastrophe. »
Et ce d’autant plus allègrement que l’industrie du tabac continue de cibler massivement les femmes en proposant des cigarettes toujours plus minces, fines et élégantes, ainsi que les jeunes, piégés à coups de clopes parfumées à la fraise ou au chocolat – désormais interdites en France.
Interdiction de fumer : campagne choc « tueurs-payeurs »
Et si on envisageait, comme en Finlande, d’interdire le tabac? « Non, ce serait aussi contre-productif que la politique de prohibition de l’alcool aux États-Unis, explique le Pr Albert Hirsch, administrateur national à La Ligue contre le cancer. Il faut sortir du tabac progressivement, pour parvenir à 12 % de fumeurs à l’horizon 2030 – comme en Californie –, alors que nous sommes à 30 %. »
Comment? « En mettant tout en œuvre pour « dénormaliser » la consommation de tabac, qui n’a rien d’un produit commercial banal. C’est une drogue dure en vente libre, qui rapporte 13 milliards d’euros de rentrées fiscales à l’État.
Des fonds destinés aux conséquences de l’usage du tabac
« Commençons par faire réellement appliquer la loi (ex: interdiction de la vente aux mineurs). Et, surtout, surtaxons les producteurs. Avec l’appui de François Hollande, nous voulons mettre en place un « prélèvement solidaire tabac »* sur les bénéfices réalisés par la vente des produits du tabac », précise le même interlocuteur.
Selon le principe du pollueur-payeur, les fonds collectés seront ensuite destinés à la prise en charge des conséquences sanitaires et sociales de l’usage du tabac au niveau mondial, dans les pays industrialisés comme dans les pays émergents.
Diminuer le tabagisme : une lutte sur tous les fronts
Pour lutter contre ce fléau, La Ligue se bat sur tous les fronts. Au-delà de l’interdiction de fumer dans les lieux publics (locaux professionnels, transports, restaurants, lycées…), elle demande la création d’un label « Espace sans tabac ».
Pionnière, la ville de Nice a inauguré la première plage sans tabac en février, suivie par Cannes et La Ciotat. Il s’agit pour l’instant de réserver une centaine de mètres de plage aux non-fumeurs, mais c’est déjà un début ! À suivre: les espaces publics, jardins et squares sans tabac, histoire de tenir les enfants à l’écart.
Mais cela ne suffira pas. « Le vrai combat se mènera sur le terrain judiciaire », affirmait déjà Robert Badinter en 2001 devant l’Académie de médecine. En France, la loi ne permet pas ces procès de groupe qui ont court aux États-Unis ou encore au Québec, où près de 2 millions de fumeurs et ex-fumeurs réclament aux industriels canadiens du tabac 27 milliards de dollars de dommages et intérêts.
Mais la proposition de la garde des Sceaux Christiane Taubira d’autoriser les class actions (recours collectifs) pourrait, si elle était adoptée, inquiéter les cigarettiers…
(1) Interdire le tabac, l’urgence ! Odile Jacob, 2012.
(2) University California Press, Berkeley 2012.