Nous sommes au cœur de la semaine nationale du cancer. On parle beaucoup de prévention (très bien) de recherche (bravo !) – nous admirons le travail des médecins qui œuvrent pour nous laisser entrevoir une guérison et, espérons-le, un avenir sans cancer pour nos enfants. Mais en attendant cet avenir, nous sommes, nous, aujourd’hui, malades. Nous vivons, aujourd’hui, avec le cancer. Tous les jours. Toutes les nuits.
385.000 nouvelles personnes par an exigent qu’on regarde, certes, vers la ligne radieuse de l’avenir mais également que l’on se soucie du présent. 385.000 c’est le nombre de français qui apprennent chaque année qu’ils ont un cancer.
Parmi eux, 65.000 femmes souffrent de cancers du sein, de l’utérus ou des ovaires. Pendant ou après les traitements, ces femmes se retrouvent ménopausées et interdites d’hormones à vie. La majorité d’entre elles (70% des femmes atteintes d’un cancer du sein) souffre de vaginite atrophique (leur vagin privé d’hormones s’atrophie, la muqueuse s’amincit) et de ses répercussions : sécheresse vaginale, multiplication des infections, douleur et/ou impossibilité d’avoir des rapports sexuels.
Notre association défend les droits des patientes ; vous avez été nombreuses à nous alerter sur les coûts élevés des traitements pour accompagner la ménopause subie et vous permettre de continuer à avoir un confort et une vie sexuelle. Car, des solutions existent bien pour accompagner cette ménopause, mais elles sont saturées d’hormones et donc interdites aux malades que nous sommes. Les dispositifs médicaux sans hormones ne sont pas remboursés. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont pas obtenu de la Haute Autorité de Santé, une ASMR (Amélioration du Service Médical Rendu) suffisante, sésame pour bénéficier d’un remboursement. L’INCa (Institut national du cancer) a lancé une étude clinique concernant le Mona Lisa Touch qui durera deux ans : le temps nécessaire pour obtenir un consensus scientifique sur le service médical rendu. Restera ensuite à instruire le dossier. Le temps de l’administration n’est pas celui de la vie.
Apparemment, une activité sexuelle empêchée ne semble pas un problème de santé publique urgent dès lors que l’on s’adresse à des femmes.
Les hommes qui ont subi une chirurgie agressive de la prostate bénéficient de deux médicaments contre l’impuissance (Edex, Vitaros). C’est légitime.
Ce qui l’est moins c’est que l’impossibilité physiologique à l’érection pour un homme soit acceptée comme un trouble sexuel mais que l’impossibilité physiologique à l’acte sexuel (absence de lubrification naturelle et de souplesse de vagin), pour une femme, ne le soit pas. Dans l’acte sexuel l’homme agit, la femme n’est « que » réceptrice. A elle de se débrouiller avec son impossibilité et sa douleur.
La pétition de notre association est un succès (la signer) : vous êtes des dizaines sur la page Facebook à témoigner. Enfin ! Les temps changent. Nous avions tant intériorisé la violence symbolique de ces rôles sexuels que nous ne nous sommes jamais rebellées. Nous avions tant accepté notre statut de survivante que nous nous sommes résignées à une existence en demi-teinte. Aujourd’hui nous avons la chance d’avoir une Ministre de la santé qui connaît parfaitement les problématiques de cancer, une ministre des droits de la femme hyperactive une Haute Autorité de Santé à la fois présidée et dirigée par des femmes.
Le temps n’est plus à la résignation !
Émilie Groyer & Céline Lis-Raoux