Pourquoi le dossier du remboursement des prothèses capillaires est-il bloqué au CEPS ?
André Tanti : Ce dossier sur le tarif de remboursement des prothèses capillaires est rangé dans un tiroir, depuis que les travaux sur ce sujet ont dû être interrompus. Notre comité est en effectif hyper-réduit. Nous sommes, en théorie, 7 personnes pour traiter plus de 300 dossiers par an; en réalité nous ne sommes actuellement que 4,4 personnes car les remplacements d’absences n’ont pas été réalisés. La personne chargée de suivre les prothèses capillaires est partie et n’a pas été remplacée. Il suffit de lire le dernier rapport de la cour des comptes [septembre 2017, NDLR] qui préconise de renforcer d’urgence nos effectifs. Depuis nous avons encore moins de personnel ! Le principe de réalité est que nous ne traitons que les dossiers hyper urgents.
Quels sont les principes de l’urgence ?
La priorité a été fixée, depuis un peu plus de 18 mois, sur l’inscription des nouveaux produits. Ainsi que les dossiers à fort enjeux financiers ou susceptibles de permettre des économies. Cela se fait évidemment au détriment d’autres dossiers moins prioritaires dans l’agenda. C’est triste mais pour qu’un dossier soit traité aujourd’hui il faut soit une forte volonté politique soit du lobbying d’associations de patients efficaces. Mais personne n’est monté au créneau pour les perruques. Quand j’ai pris le dossier il y a deux ans, des associations de patients sont venus me rencontrer à ma demande [Rose-association qui n’était pas encore à l’époque Association agréée de patients, n’avait pas été conviée, NDLR]. Nous avons discuté. Mais depuis, plus rien.
Mais pourtant ce doublement des remboursements par la Sécurité Sociale est acté par le Plan Cancer et validé par la HAS !
C’est le plus absurde de cette histoire. L’argent est là. Prévu par le plan Cancer. Nous avons envisagé d’aller jusqu’à 300 euros de remboursement pour une perruque de qualité ce qui réduirait sensiblement le reste à charge. A côté d’autres dossiers que l’on traite, ce n’est pas un dossier lourd financièrement : la dépense de 2017 a été de l’ordre de 6,5 M d’euros et il est envisagé d’augmenter l’enveloppe de plus de la moitié pour la porter à 10 M d’euros. Mais une fois que cela est posé, il reste un travail de négociation car évidemment bien des personnes ont des intérêts divergents.
Quels intérêts divergent ?
D’abord, il y a deux catégories de patients qui prétendent au remboursement : les femmes qui traversent un épisode de cancer et qui nécessitent une perruque de qualité durant quelques mois de leur vie. Et les personnes qui ont des alopécies définitives liées à un cancer ou d’autres pathologies. Les deux groupes ont des besoins différents. Les premières veulent une perruque de grande qualité, douce, sans couture, où elles ne transpireront pas. En bref, une seule « belle » perruque en attendant que leurs cheveux repoussent après la chimio. Les seconds exigent le remboursement de plusieurs perruques éventuellement de moindre qualité : ils n’ont pas de problèmes de sensibilité aux coutures. Ils préfèrent des perruques à 100 euros interchangeables.
Quelle est la position des fabricants ?
Ils ont fait un travail important avec la HAS quand celle-ci instruisait le dossier pour prévoir une prothèse capillaire de qualité, en cheveux synthétiques, qui pourrait être intégralement remboursée. Il est évident qu’ils souhaitent une amélioration du remboursement. Reste un point sur lequel nous divergeons, c’est celui de la possibilité pour les patientes, au moment où va débuter leur chimiothérapie, d’acquérir leur perruque par internet tout en bénéficiant du remboursement par l’Assurance maladie. J’entends les arguments de praticité de la vente sur le net, notamment pour les populations éloignées des villes. Mais, pour les malades de cancer, il me paraît essentiel d’avoir un accompagnement à la hauteur de l’enjeu médical et personnel. Il faut que les femmes soient reçues, bien conseillées, écoutées.
D’ailleurs c’est tout le sens de l’avis de la HAS qui recommande « d’imposer un essayage de la prothèse capillaire pour la première prescription » et qui ajoute que les « locaux des distributeurs doivent être équipés de manière à garantir la confidentialité et l’intimité du patient lors des essayages ».
Par ailleurs, si la Sécurité Sociale rembourse 300 euros, il faut que la perruque mérite « vraiment » les 300 euros. Je ne veux pas me retrouver à ce prix-là avec des perruques de qualité médiocre que l’on pourrait trouver dans les bazars de la gare de l’Est ! Sinon se serait rouler la sécu et la patiente. Donc nous devons obtenir des fabricants qu’en contrepartie d’un meilleur remboursement, ils descendent les prix des perruques qu’ils vendent aujourd‘hui à 400-450 euros à 300 euros. Cela, c’est un travail de négociation habituel pour le CEPS.
Quand reprendrez-vous l’examen du dossier ?
J’espère que nous serons en mesure de reprendre les travaux avant la fin de l’année 2018, ce qui conduirait à son bouclage d’ici un an… A moins, qu’une priorité particulière nous soit fixée par la ministre de la santé ou celui de l’économie.
Propos recueillis par Céline Lis-Raoux