Vice-président de l’International Prevention Research Institute à Lyon, le Pr Mathieu Boniol est catégorique: « Chaque année, en France, 347 nouveaux cas de mélanome, parmi lesquels 10 à 76 décès », sont imputables aux cabines de bronzage. Et, d’ici trente ans, on pourrait même compter « entre 566 et 2 288 décès« .
Pourtant, le Syndicat national des professionnels du bronzage en cabine affirme sur son site que « l’utilisation des cabines de bronzage est bénéfique pour la santé« .
Mieux encore, ces bénéfices seraient 40 fois supérieurs aux risques: protection contre certains cancers (non cutanés) grâce à la sécrétion de vitamine D active induite par les UVA artificiels, rôle dans le soin de la dépression saisonnière, préparation de la peau au soleil…
Des « incubateurs à cancer »
Des arguments sans fondement scientifique pour le Dr Blanchet-Bardon, vice-présidente du syndicat des dermatologues-vénéréologues, qui répète depuis quinze ans que « les cabines UV ne sont ni plus ni moins que des incubateurs à cancer! Elles émettent principalement des UVA, faussement réputés inoffensifs puisqu’ils pénètrent profondément dans la peau et favorisent l’apparition des cancers cutanés« .
Ce n’est pas pour rien que le Circ (Centre international de recherche contre le cancer) les a classés en 2012 dans la catégorie des « cancérigènes certains’, la plus élevée des agents cancérogènes.
Aucun doute, pour Chantal Jouanno, présidente de la mission d’information du Sénat sur les dispositifs médicaux et les interventions à visée esthétique, qui s’étonne que le troisième Plan cancer se contente de « dresser le constat de la dangerosité de la surexposition aux rayonnements ultraviolets naturels et artificiels, sans apporter de réponse forte d’interdiction ». Ce que, excepté pour leur usage médical (traitement du psoriasis, de l’acné…), la mission réclamait pourtant depuis 2012.
Nouvelles dispositions règlementaires ou mesurettes?
Lunettes de protection gratuites, renforcement de la qualification du personnel, messages d’avertissement sur les risques placardés sur les machines, contrôle des appareils… les nouvelles dispositions réglementaires ne seraient que des mesurettes (Décret n°2013-1261 du 27 décembre 2013).
« Cela ne permet pas d’éliminer le risque de mélanome chez les 8 millions de Français amateurs de soleil en boîte », insiste le Dr Caroline Robert, onco-dermatologue à l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif.
Avis que partage l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) dans son communiqué du 10 octobre 2018 : « le dispositif réglementaire […] constituait une réponse partielle et insuffisante au regard du risque avéré de cancers cutanés pour les utilisateurs de cabines de bronzage. »
L’Anses demande leur interdiction
Dans son rapport, réalisé à la demande de la DGS (Direction générale de la santé), l’agence fait un état des lieux des connaissances scientifiques actuelles. Celui-ci démonte de nombreuses idées reçues. Non, les cabines à UV n’apportent pas de vitamine D et ne préparent pas la peau au bronzage. Les UV artificiels, avec leur prédominance d’UVA, n’induisent pas de production de mélanine mais une oxydation de la mélanine déjà présente dans la peau. Le bronzage artificiel ne protège donc pas l’ADN des dommages causés par le soleil. Au contraire, les études démontrent leur dangerosité : « les personnes ayant eu recours au moins une fois aux cabines de bronzage avant l’âge de 35 ans augmentent de 59 % le risque de développer un mélanome cutané. En France, il a été estimé que 43 % des cas de mélanomes chez les jeunes pouvaient être attribués à une utilisation des cabines de bronzage avant l’âge de 30 ans. »
Conclusion : « l’Anses insiste sur l’effet cancérigène pour la population de l’exposition aux UV artificiels et recommande en conséquence aux pouvoirs publics de prendre toute mesure de nature à faire cesser l’exposition de la population générale aux UV artificiels à des fins esthétiques.
Céline Dufranc et Emilie Groyer