Le cancer de l’ovaire est le 5ème cancer féminin par sa fréquence et l’un des plus agressifs. Parce qu’il se développe lentement et silencieusement, il est souvent détecté à un stade avancé de la maladie. Les récidives ne sont pas rares dans les années suivants le diagnostic. Tout l’enjeu pour les oncologues est de faire en sorte que ces rechutes arrivent le plus tardivement possible : il a en effet été observé que plus le délai de récidive est long, plus les chances que la patiente réponde à une deuxième ligne de traitement sont élevées. C’est ce qu’est parvenu à faire l’équipe du Pr Isabelle Ray-Coquard du centre Léon Bérard à Lyon.
Une survie sans reprogression significativement prolongée
Le traitement standard actuel du cancer de l’ovaire consiste à opérer les patientes pour retirer l’ensemble des lésions et à les traiter avec une combinaison de chimiothérapie et de bevacizumab1. Le bevacizumab est ensuite administré seul pour prévenir les récidives. Dans l’étude PAOLA-1, dont les résultats ont été présentés aujourd’hui lors du congrès de l’ESMO, de l’olaparib, un inhibiteur de PARP (voir notre encart « Réparation de l’ADN et inhibiteurs de PARP »), a été ajouté à ce traitement dit « de maintenance ».
Cet essai clinique de phase III a porté sur 806 femmes touchées par un cancer de l’ovaire de stade III/IV et ayant répondu au moins partiellement à la première ligne de traitement (chimiothérapie combinée au bevacizumab). Les résultats montrent que la combinaison olaparib/bevacizumab en traitement de maintenance augmente significativement la survie sans reprogression en comparaison au bevacizumab seul. Ce bénéfice n’est toutefois observable que chez certaines patientes : celles présentant une défaillance dans un mécanisme de réparation de l’ADN par recombinaison homologue, parmi lesquelles les femmes porteuses des mutations BRCA. Cela représente la moitié des patientes incluses dans l’étude. Ainsi, pour les femmes porteuses de mutations dans les gènes BRCA, la durée pendant laquelle la maladie ne s’aggrave pas est de 37,2 mois dans le groupe traité et de 21,7 mois dans le groupe contrôle (données médianes). Pour les femmes présentant des déficits dans la recombinaison homologues autres que des mutations de BRCA, le bénéfice est moindre mais toujours significatif avec 28,1 mois de survie sans reprogression chez les femmes traitées et 16,6 mois chez les femmes du groupe contrôle. En revanche, la combinaison olaparib/bevacizumab ne bénéficierait pas aux patientes ne présentant pas de défaillance dans les mécanismes de réparation de l’ADN.
Vers un changement de pratique
Au vu des résultats de PAOLA-1 et d’autres études présentées cette année à l’ESMO, le traitement standard de maintenance des cancers de l’ovaire devrait bientôt changer pour inclure les inhibiteurs de PARP dès la première ligne de traitement. « Les inhibiteurs de PARP sont déjà un traitement de maintenance standard mais après une deuxième ligne de traitement. Seul l’olaparib a obtenu une autorisation temporaire d’utilisation après une première ligne mais uniquement pour les femmes porteuses de mutations BRCA. Et il est administré seul, explique le Dr Olivier Tredan, oncologue médical au centre Léon Bérard. À présent, il faudra se demander si, pour ces patientes, il ne faudrait pas ajouter le bevacizumab. D’après les résultats de l’étude PAOLA-1, la réponse est clairement oui. Pour les patientes non mutées dans les gènes BRCA mais présentant d’autres déficits de la recombinaison homologue, la réponse est probablement oui. Reste la question des femmes qui n’ont aucun déficit et pour lesquelles le bénéfice de la combinaison olaparib+bevacizumab n’a pas été démontré mais qui pourraient répondre à d’autres inhibiteurs de PARP (lire notre article : “ On assiste à une changement de paradigme ”) ».
RÉPARATION DE L’ADN ET INHIBITEURS DE PARP
Suite à certains stress (comme l’exposition aux UV par exemple), l’un des brins de l’hélice de notre ADN peut se casser. Lorsqu’un tel événement se produit, la cellule bloque sa division le temps que des protéines interviennent pour le réparer. En effet, si la cellule venait à se multiplier alors que son ADN est encore endommagé, cela pourrait générer des mutations et conduire au développement de tumeurs.
Les premières protéines à intervenir dans cette réparation sont les protéines PPAR. Si elles ne parviennent pas à restaurer l’intégrité de notre patrimoine génétique, d’autres protéines vont prendre le relai, notamment les protéines BRCA qui vont réparer l’ADN par un processus dit de recombinaison homologue. Et si l’ADN n’est toujours pas réparé à l’issu de ces différentes étapes, la cellule va “se suicider” : ce phénomène est connu sous le nom d’apoptose.
Si une cassure arrive dans une cellule présentant un déficit dans la voie de réparation de l’ADN par recombinaison homologue, l’ADN sera partiellement réparé par les PARP et la cellule n’entrera pas en apoptose, malgré cette correction partielle. Elle va donc continuer son cycle de division et finir par se transformer en cellule cancéreuse. En revanche, si l’on bloque les PARP – par des inhibiteurs comme l’olaparib – on va forcer la cellule cancéreuse à “s’auto-détruire”. C’est pourquoi l’olaparib est plus efficace chez les personnes présentant un déficit en recombinaison homologue, comme les femmes porteuses des mutations BRCA.
Emilie Groyer