Avant ma maladie, ma vie était rythmée par l’action. Le verbe FAIRE y régnait en maître. Au travail (faire un mail, une présentation, un dossier de presse, un compte-rendu, un bilan, une réunion, …) comme dans ma vie personnelle (faire les courses, le ménage, la lessive, les repas, le repassage, un ciné, une expo, une sortie au théâtre, en solo ou avec des amies, une visite à ma famille, à mes amis, du chant choral, une randonnée, un voyage, …).
J’étais la championne de l’anticipation et des rétro-plannings. Je savais la veille ce que je ferais le lendemain et à moins d’un imprévu majeur, je m’y tenais. Prévoir et organiser le temps me rassurait. Ce faisant, j’étais constamment sous pression.
Mon premier cancer, il y a plusieurs années, n’y a pas changé grand-chose. Au bout de quelques mois, j’avais repris ma vie d’avant sans mesurer à quel point je me malmenais. Je ne comprenais pas cette phrase que me disaient parfois des médecins : « protégez-vous ». Mais dans le tourbillon de la vie comment se protéger ?
Et puis, six ans plus tard, la récidive. Et la valse hésitation du corps médical pour poser un diagnostic et décider d’un protocole de soins. C’est alors que je me suis mise insensiblement à oser ne rien faire. À passer des moments, inoccupée, sans même écouter de la musique, pourtant essentielle dans ma vie.
Juste écouter mon besoin et mon envie du moment. Me mettre à l’écoute de mon corps et de ma voix intérieure. Ce faisant – c’est à dire rien justement – je perçois parfois mon intuition qui me parle. Je l’apprivoise. Et j’ose parfois m’y fier.
Moi qui me ressourçais en allant à la découverte de villes, régions, pays, je découvre les joies du voyage intérieur, mais non immobile car la vie y circule. Aujourd’hui j’ose me faire confiance dans « l’être », et pas uniquement dans « le faire ». Enfin, je sens comment me protéger : en m’accordant chaque jour des moments de bien-être, avec de la méditation, des mouvements d’assouplissement, du dessin… Et en acceptant aussi de me REP-OSER !
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Propos recueillis par Sandrine Mouchet