Il n’y a pas « un » cancer ORL mais une trentaine de tumeurs et de localisations différentes
Appelés aussi cancers ORL (oto-rhino-laryngologiques), les cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) touchent les muqueuses au carrefour des voies utiles pour manger et respirer. Si environ 90 % sont des carcinomes épidermoïdes de la gorge (larynx, pharynx) et de la bouche, 10 % sont des tumeurs rares, comme les cancers du cavum (ou nasopharynx), des glandes salivaires (parotide, palais), de la glande thyroïde… Un cancer est considéré comme rare quand il touche moins de 6 patients pour 100 000 habitants par an, soit environ 2 000 cas par an. Il nécessite une prise en charge très spécialisée du fait de son siège particulier (oreille, nez, sinus, glandes salivaires), du terrain spécifique sur lequel il se développe (cancers ORL chez la femme enceinte) ou de sa grande complexité.
Comment pose-on le diagnostic ?
Le médecin regarde directement à l’intérieur de la bouche et du nez à l’aide d’une source lumineuse, ou indirectement, avec un tube souple (fibroscope), et palpe le cou. Une endoscopie complète cet examen : un tube équipé d’une caméra est introduit, sous anesthésie générale, pour voir plus loin à l’intérieur des VADS. Objectif ? étudier l’étendue du cancer et réaliser des prélèvements (biopsies). Un scanner ou une IRM seront également pratiqués pour évaluer l’extension de la tumeur, notamment au niveau des ganglions du cou. Pour les cancers ORL rares, il est souvent souhaitable de faire réaliser une double lecture par un anatomopathologiste expert (du réseau Refcorpath par exemple).
Tabac et alcool : un duo favorisant les cancers des VADS
Le principal facteur de risque des cancers des VADS est le tabac, responsable de plus de 85 % d’entre eux. L’alcool agit ensuite comme un cofacteur, favorisant les effets nocifs et toxiques du tabac. Une double intoxication, tabagique et éthylique, décuple les risques de cancer VADS. Pour certaines localisations comme les sinus, des facteurs professionnels peuvent jouer aussi : l’exposition à la poussière de bois pour les menuisiers, ou à la colle et aux solvants pour ceux qui travaillent dans l’industrie chimique. Autre facteur de risque : le papillomavirus humain. Les cancers liés au HPV touchent les hommes et les femmes de façon équivalente, surtout au niveau de l’oropharynx, qui se situe dans le fond de la bouche et comprend les amygdales.
Une combinaison de traitements
Pour ces cancers très particuliers, l’enjeu des traitements n’est pas seulement d’éliminer le cancer ou de freiner sa progression, mais aussi de préserver autant que possible les fonctions respiratoires, la voix, l’alimentation et le schéma corporel.
Pour les carcinomes épidermoïdes : une tumeur de moins de 4 cm, accessible et sans ganglions atteints, sera retirée par chirurgie. En cas d’inaccessibilité, une radiothérapie sera pratiquée. Si la tumeur fait plus de 4 cm et/ou qu’il y a atteinte ganglionnaire, le traitement sera la chirurgie (si une opération est possible), suivie d’une radiothérapie avec ou sans chimiothérapie associée. Sinon, le traitement sera une association de radiothérapie et de chimiothérapie.
Pour les cancers du cavum, inaccessibles à la chirurgie, le traitement pourra se limiter à une radiothérapie si aucun ganglion n’est atteint. Si les ganglions sont affectés, il faudra une radio-chimiothérapie concomitante, parfois précédée d’une chimiothérapie dite d’induction.
Les techniques de chirurgie et de radiothérapie se sont considérablement améliorées ces dix dernières années. De nombreuses pistes de recherche sont en cours, comme les techniques chirurgicales mini-invasives (avec des robots ou du laser) et la radiothérapie très ciblée (notamment par IMRT – irradiation avec modulation d’intensité – ou hadronthérapie*). Grâce aux progrès de la biologie moléculaire sur les tumeurs, on attend aussi de nouveaux médicaments comme l’immunothérapie et les thérapies ciblées.
* L’hadronthérapie irradie les cellules cancéreuses avec un faisceau de particules, notamment des protons (on parle alors de protonthérapie) ou des ions carbone (carbonethérapie). En France, la protonthérapie se pratique dans les centres d’Orsay (institut Curie), Nice (centre Antoine-Lacassagne) et Archade (CHU et centre Baclesse, à Caen).
Soins de support : une rééducation indispensable
Même s’ils sont efficaces et plus conservateurs qu’auparavant, les traitements ont parfois des conséquences définitives. Il est souvent nécessaire de pratiquer une trachéotomie pour assurer la fonction respiratoire, par exemple, une gastrostomie (installation d’un tuyau reliant directement l’estomac à l’extérieur) ou une sonde nasogastrique pour que le patient puisse s’alimenter. Lorsque les séquelles des interventions gênent la déglutition, on peut envisager une aide alimentaire et une rééducation par l’orthophonie (souvent de nombreux mois). Il arrive aussi qu’un morceau du palais ou de la mâchoire ait été enlevé. Une prothèse ou un tissu d’une autre partie du corps peuvent être utilisés pour permettre au patient de parler et manger à nouveau « le plus normalement possible ». Lorsque la salive, après une radiothérapie, est rare ou collante, des soins dentaires (dentifrices fluorés ou résine) sont prescrits. Mais le meilleur traitement reste l’IMRT, une technique d’irradiation qui épargne les glandes salivaires (si cela est possible sans constituer un risque pour le patient).
La durée des symptômes ORL est à prendre au sérieux
Petite plaie dans la bouche, gêne à la déglutition, présence d’un ganglion dans le cou, douleur à l’oreille, voix enrouée, nez bouché… le plus souvent, les symptômes, d’une banalité déconcertante, passent inaperçus. Néanmoins, s’ils persistent au-delà de deux ou trois semaines, il est indispensable de consulter un médecin. S’ils résistent au traitement, il faut revoir le généraliste, qui orientera vers un médecin spécialisé. Car, s’ils sont pris en charge à un stade précoce, le taux de survie des patients est de 80 à 90 %.
Cancers rares et grossesse : les patientes montent au créneau
Membres de l’association CORasso, certaines patientes se demandent si les hormones ont joué un rôle dans la survenue de leur cancer, en cours de grossesse, et si elles pourront avoir d’autres enfants. Comme il n’existe pas de données suffisamment solides pour affirmer le rôle de la grossesse dans la survenue de ces tumeurs, l’étude RefcorBirth*, lancée cette année, essaie de répondre à ces questions.
En chiffres
16 mille nouveaux cas de cancer ORL-VADS par an en France
2 cancers sur 3 sont diagnostiqués à un stade avancé
75% des patients sont des hommes
50% des cancers de la bouche et du larynx et 80% des cancers du pharynx et de l’œsophage sont liés à l’alcool
63 ans c’est l’âge moyen de survenue des cancers ORL
10% sont des cancers rares
* Réseau d’expertise français des cancers ORL rares.
Retrouvez cet article dans Rose Magazine (Numéro 16, p. 90)