2016. Laura a 30 ans. On lui diagnostique un cancer du sein infiltrant. Il a déjà métastasé dans une de ses vertèbres. S’ensuivent chimio, radiothérapie, mastectomie. Deux ans plus tard, son cancer récidive. Des métastases se sont logées dans ses os, sa tête et son foie, lui causant des douleurs difficilement supportables. Ses médecins lui prescrivent des antalgiques et des séances d’hypnose mais rien n’y fait. « Un jour, on m’a proposé de la musicothérapie. Je n’avais aucune idée de ce en quoi ça consistait mais je me suis dit “ pourquoi pas ? ”. Après tout, ça ne pouvait pas me faire de mal. »
Transportée loin des douleurs
C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Aude, jeune musicothérapeute fraichement diplômée (lire notre article : « Cancer : la musique adoucit aussi les maux »). Elles échangent sur ses goûts musicaux « plutôt éclectiques ». Aude lui demande si elle a déjà joué d’un instrument de musique. « Quand j’étais ado, je jouais de la flûte traversière. Mais ça remontait à loin… » Suite à ce premier entretien, Laura participe à sa première séance de « détente musicale ». Casque sur les oreilles, yeux fermés, elle écoute une bande son instrumentale préparée par les soins de sa musicothérapeute. Percussions, piano, instruments à cordes, à vent… Pendant 20 minutes, la jeune femme est transportée. Loin de la maladie et de ses douleurs. Lorsque la musique s’arrête, Aude l’invite à parler de son ressenti. « La musique a cette faculté de nous faire passer d’un état émotionnel à l’autre. Certains airs me rendaient mélancolique, d’autres me donnaient envie de danser… Parfois j’avais l’impression de me retrouver dans un vieux film. » Ses retours permettent à la musicothérapeute d’affiner son approche.
Au fil des séances, Laura passe d’une écoute réceptive à une pratique active. « Aude a apporté une « boîte à malice » remplie d’instruments complètement atypiques que je n’arrivais même pas à identifier. Il en avait à gratter, d’autres à secouer… Et j’ai dû en jouer pour accompagner une bande sonore qu’elle avait préparée. » Bâton de pluie, maracas, claves, Cajon, tube wah wah… Pas évident de se les approprier. La jeune femme est bloquée par ses propres peurs. Peur de mal faire, de paraître ridicule. « Et puis je me suis lâchée, j’y suis allée au feeling. Je me suis concentrée uniquement sur la musique, plutôt que sur mes douleurs. Ça m’a fait du bien. » Et c’est bien là le rôle de la musicothérapie : déconnecter le malade de ses souffrances.
Un effet hypnotique
Un jour où la jeune femme se sent un peu fatiguée. La musicothérapeute lui joue d’un instrument étrange. « Une sorte de boule sur laquelle elle appuyait et qui émettait des sons qui ressemblaient à celui des bols tibétains. » Il s’agit d’un « hapi drum ». Une percussion en métal au son vaporeux et enveloppant. Son effet sur Laura est hypnotique. « Quand j’ai réouvert les yeux, j’ai eu l’impression d’être partie ailleurs. C’était régénérant. »
Mais les effets de la musicothérapie sont temporaires. Alors Aude propose à Laura de réaliser une « bande en U » : une bande sonore composée à la carte avec les musiques et les sons que la jeune malade aime. « Nous travaillons encore dessus. Récemment je lui ai demandé de remplacer certaines musiques qui me rendaient mélancoliques. Quand elle sera terminée, je pourrai l’écouter chez moi, quand je n’irai pas bien, et m’évader dans un univers sans douleurs. »
Emilie Groyer