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Le mariage n’attend pas

{{ config.mag.article.published }} 18 novembre 2016

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Marjorie et Gabriel

Si la maladie peut bouleverser la vie conjugale, elle le fait parfois dans le bon sens, pour le meilleur…

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Marjorie a eu le déclic à l’été 2014, quand son oncologue lui a suggéré de se trouver un projet post-traitement. « Je me suis dit que ce serait soit un voyage, soit le mariage », explique cette secrétaire médicale de 35 ans, traitée pendant deux ans pour un cancer du sein. Finalement, ça a été le mariage. « Cette union, c’était la volonté de se donner un avenir, explique Gabriel, le père de son deuxième enfant – et du troisième, qu’ils attendent. On s’est dit que la maladie était une mauvaise passe, qu’il y avait des étapes à franchir une par une, et qu’on allait en voir la suite. »

Chantal et Hervé

Pour le couple, le mariage est vite devenu une priorité et il s’est déroulé le 8 août de l’année suivante, sur l’île de La Réunion, dont Gabriel est originaire. Une cérémonie à leur image, « simple et intime », qu’ils ont organisée à distance, avec l’aide des membres de la famille vivant sur place. En fait, au-delà des aspects pratiques, ce sont essentiellement les effets secondaires des traitements qu’il a fallu dépasser. « J’avais surtout des craintes par rapport à mes cheveux », indique Marjorie, dont les boucles, qui effleuraient sa taille avant la maladie, ont disparu dès les premières chimios. « Le jour J, ils étaient encore très courts, mais la coiffeuse m’a posé des rajouts et le résultat était superbeau. » Cécile, 36 ans, partageait la même inquiétude. Quand elle s’est mariée, à l’été 2013, dix-huit mois après la fin de ses traitements, elle avait « à nouveau rasé [ses] cheveux pour leur donner du peps ». Résultat : « Ils étaient magnifiques. J’ai pu avoir une vraie coiffure de mariée ! »

La famille et le partage

Mais la perte des cheveux n’est pas l’unique préoccupation des futures mariées. La prise de poids est elle aussi un souci majeur : difficile de se projeter dans la robe de ses rêves quand l’aiguille de la balance s’affole. « Après un essayage, j’ai voulu maigrir, raconte Cécile, qui avait pris 12 kilos pendant la chimio. Heureusement, il m’a suffi de manger équilibré à la fin du traitement, et ça a suffi. » Peut-être le regard de son partenaire n’est-il toutefois pas étranger à cette confiance retrouvée en son corps. « Pendant la maladie, on a conservé une intimité, poursuit la jeune femme. Même si ce n’était plus la même chose, il y avait de la tendresse, et ça nous a liés. On n’était pas des étrangers l’un pour l’autre. Il n’a jamais montré de dégoût. S’il n’y avait pas de ‘‘vrai’’ rapport sexuel, il y a eu d’autres choses, des moments sans pression, intimes et sensuels. Cette proximité affective et ces gestes font du bien. »

Cécile et Nicolas

Pourtant, un rapprochement dans le couple ne relève pas toujours de l’évidence, après le choc de l’annonce de la maladie. « Dans un premier temps, je me suis mise en retrait de ma relation », indique Amandine, 28 ans, victime d’un lymphome de Hodgkin trois ans plus tôt, diagnostiqué à un stade 4. « Je me suis dit que je n’allais peut-être pas m’en sortir et qu’il ne fallait pas que mon compagnon reste avec moi, explique-t-elle, même s’ils étaient déjà parents d’un petit garçon de 3 ans. J’ai essayé de mettre des distances, mais Julien m’en a empêchée. » Son partenaire s’est au contraire montré « aux petits soins en permanence », jusqu’à la demander en mariage. « Cela représentait la famille et le partage, estime Julien. Je l’aimais. Alors pourquoi attendre ? » Le projet s’amorce, et le plaisir des préparatifs fait oublier la lourdeur des traitements. « Cela m’a fait du bien de voir que j’allais enfin réaliser mon rêve, explique son épouse. Du coup, je ne pensais plus au reste. »

Un cadeau extraordinaire

Un tournant dans une vie qui permet de regarder vers l’avenir, même si la maladie peut à nouveau s’imposer sans prévenir. À l’été 2015, quelques mois après la naissance de leur fille, Amandine et Julien doivent célébrer leur union dans une belle bâtisse vendéenne quand les médecins découvrent une tumeur encore bénigne dans le poumon de la jeune femme. La volonté de se dire oui l’emporte toutefois partiellement. « On a reporté la cérémonie religieuse à l’hiver, mais on a maintenu le mariage civil avec nos proches », indique Amandine.

Amandine et Julien

Chantal, elle, n’a pas encore pu concrétiser son union avec celui qu’elle aime, mais sa demande l’a profondément marquée. Il l’a formulée un jour d’octobre 2010, en sortant de l’hôpital, lors d’un repas sans fioritures. « Hervé a pourtant beaucoup encaissé, car il a déjà perdu sa première femme d’un cancer. Cela m’a bouleversée. C’était très fort. D’autant qu’à ce moment-là je faisais une récidive de cancer du sein et que le diagnostic était pessimiste. Je sais donc à quel point la maladie a été violente à vivre pour lui. »
Pour l’heure, le passage à la mairie reste donc en suspens. « Mais ce qui est important, c’est le message qu’Hervé m’a transmis : il m’aimait pour ce que j’étais, alors que je n’avais plus un poil sur le caillou ni de nichons ! » sourit Chantal. « Je voulais lui prouver mon amour et lui dire que jamais je ne l’abandonnerais, malgré les épreuves », répond Hervé. « C’était un cadeau extraordinaire, conclut Chantal, et on a toujours ce projet dans un coin de la tête. »

Dr Pierre Saltel, Conseiller en génétique à l’institut Curie : « La maladie, c’est un peu un « crash test » »

« Les couples ne se séparent pas plus à la suite d’un cancer, mais ils peuvent y laisser
des plumes. La maladie, c’est un peu un ‘‘crash test’’. Le risque d’aller voir ailleurs
n’est pas rare, et les enjeux ne sont pas les mêmes selon le contexte. Chez les jeunes, par exemple, on assiste souvent à des réactions de solidarité car la maladie va intensifier l’implication dans la vie de couple et on a un fort élan vital à 30 ans. En milieu de vie, en revanche, il peut y avoir davantage de frustrations et de malentendus, quand chacun a investi des sphères différentes (enfants, travail…). La maladie précipite le vieillissement et on se demande souvent comment maintenir vivante une sexualité qui reste le gage d’une bonne relation, surtout
après la cinquantaine. Les professionnels de santé ne peuvent qu’inviter le patient à parler, à partager ses problèmes, car souvent il suffit de pas de grand-chose pour que la sexualité redémarre. Le médecin peut aussi dire que ‘‘faire’’ l’amour c’est d’abord avoir une attitude
de rapprochement, des attentions, se montrer amoureux… Un mari apparaîtra donc plus impliqué en se montrant disponible ou en faisant des choses dans la maison qu’en se lançant dans de grandes déclarations. »

Anne-Lise Fantino


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La rédaction de Rose magazine

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