D’abord il y a la chute des cheveux. C’est de cela que les femmes parlent quand elles rencontrent pour la première fois Anne Chanard, socio-coiffeuse à la Maison RoseUp Paris. « J’évite de leur dire que ça va aller, que ça repousse, raconte notre experte. Ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est ce que signifie de ne plus avoir de cheveux, premier signe visible des traitements. C’est l’angoisse de ne plus se retrouver, de perdre son identité, sa féminité. C’est violent, et elles ont besoin d’exprimer tout ça avant de passer à la suite. »
La suite, c’est de les aider à trouver l’option qui leur conviendra le mieux. Rester crâne nu ? Porter un turban, un foulard ? Une prothèse capillaire ? Il y a beaucoup d’options, et les socio-coiffeuses sont là pour les exposer, les détailler et donner des conseils pour bien vivre son choix au quotidien. Les établissements de soins mettent à disposition des patientes une liste de socio-coiffeuses. Si on ne vous la communique pas, demandez-la aux infirmières, ou à « l’espace patients » (quand il en existe un).
Leur Graal quand les patientes prennent rendez- vous ? « Trouver la perruque qui va leur permettre de rester naturelles », indique Anne en souriant. Comprendre : celle qui sera le plus proche de leur coupe et de leur couleur d’origine. Celle qui les changera le moins. Certaines, mais c’est plus rare, décident d’adopter, le temps de cette période où tout bascule, un autre look. « Tout dépend des tempéraments », souligne Anne.
Qu’elles restent au plus près de leur coiffure habituelle, ou pas, ce n’est jamais évident d’accepter cette transition capillaire. C’est même toute une histoire, comme en témoignent les quatre lectrices qui ont accepté de jouer, pour nous, le jeu du relooking, en posant avec leur perruque d’abord, puis avec celle que nous leur avons choisie. Quatre femmes, huit styles, avec nos conseils beauté et leurs réactions à chaud.
Comme Clémentine, osez le court
Clémentine* ne porte pas les cheveux courts ni de frange d’habitude. « J’ai toujours détesté », commente-t-elle en riant. Pourtant, cela lui va extrêmement bien. Et ce carré lui donne un air de l’héroïne du film culte de Luc Besson, Nikita. Un petit coup de blush, un trait d’eye-liner et un rouge à lèvres corail viennent parfaire la ressemblance.
La perruque choisie est d’un synthétique assez médiocre, impossible à coiffer différemment. Mais l’enjeu ici est de montrer qu’il est toujours possible de faire quelque chose d’une prothèse : en déstructurant d’un léger coup de ciseaux la frange, en appliquant un peu d’eau salée sur les pointes et en les froissant sous le souffle froid du sèche- cheveux, notre coiffeuse, Magali, est parvenue à lui donner du mouvement et un style pop. « Il y a toujours des astuces. Les socio-coiffeurs peuvent aider les femmes à se sentir mieux avec leur prothèse capillaire. » Il ne faut pas hésiter à aller les voir !
«JE NE ME RECONNAIS PAS »
« Avec la chimio, j’ai perdu environ 50 % de mes cheveux, je n’avais plus de volume, il y avait des trous par endroits, ça me complexait. J’ai donc décidé de mettre une perruque. Mon idée ? Choisir un modèle proche de ma coupe d’origine et de ma couleur naturelle. Je pensais ainsi mieux l’accepter. Ce que j’ai trouvé n’est pas vilain, mais je ne me reconnais pas. Ce n’est pas moi. En plus, moi qui ai l’habitude de remonter une mèche derrière mon oreille, avec cette prothèse je ne pouvais plus le faire. Son toucher est rêche et elle gratte. Finalement, je ne l’ai que peu portée et seulement pour sortir, lors des rendez-vous à l’hôpital, pour aller au resto ou chez des amis. Mais je l’ai gardée, par superstition. Au cas où on me recolle une chimio dans six mois… »
*Clémentine Vergnaud s’était prêtée au jeu du relooking et ouverte à Rose magazine en juillet 2023. Diagnostiquée d’un cancer des voies biliaires rare, cette ancienne journaliste de FranceInfo est l’auteure du podcast Ma vie face au cancer : le journal de Clémentine. Nous l’avions également interrogée sur ce récit intime. Elle est décédée à 31 ans le 23 décembre 2023.
Comme Marie, osez la couleur
« J’avais été tentée par le roux, mais je n’avais pas osé. Là, je me sens féminine, rayonnante. Belle. Je me demande si je ne vais pas adopter cette teinte ! » lance Marie, 37 ans, en se découvrant dans le miroir. Avec son teint clair, ses taches de rousseur, elle semblait faite pour cette couleur. « La perruque propose un roux foncé à la racine et un dégradé lumineux sur les longueurs, ce qui évite un effet masse. Ça paraît complètement naturel », détaille notre coiffeuse-maquilleuse.
C’est pourtant un modèle synthétique. Mais, dans cette catégorie, on trouve le pire comme le meilleur. Tout dépend de la qualité des matières et de la fabrication. Avec ses fibres souples, cousues poil à poil sur un tulle si fin qu’on n’en voit pas la démarcation, cette perruque donne vraiment le change ! Pour la mise en beauté de Marie, peu de choses à faire : un zeste de fond de teint sur le haut du nez et des pommettes, un subtil trait de crayon châtain clair pour rehausser la ligne des sourcils, et beau- coup de mascara pour un côté « sexy seventies ».
« J’AI EU LE COUP DE FOUDRE POUR LES FRANGYNES »
« En allant sur le site de RoseUp, j’ai trouvé un article sur les Frangynes et leurs mèches. J’ai eu un coup de foudre. C’était jeune, féminin, dans l’air du temps. J’avais envie de retrouver un peu de normalité. Et je voulais un truc simple : là, un bandeau à scratch permet d’ajuster les mèches autour de la tête, on enfile un turban par-dessus, et le tour est joué ! »
Comme Morgane, osez le volume
Morgane, 43 ans, regrette sa crinière d’origine, abondante et souple. Alors on lui a choisi une perruque en cheveux 100 % naturels arrivant à l’épaule. Et Magali, notre coiffeuse-maquilleuse, a réalisé pour elle le fameux chignon Bardot. Elle a commencé par faire un brushing de la frange, puis elle a bouclé et crêpé les longueurs avant de les rassembler dans un chignon banane « coiffé-décoiffé ».
Pour le maquillage ? « J’ai tout misé sur son regard gris-bleu en appliquant sur les paupières un fard gris argenté mélangé à du noir, et au ras des cils un trait d’eye-liner au pinceau. » Et, pour finir, un coup de blush et un hydratant sur les lèvres.
Verdict : « Cette choucroute, c’était moi il y a dix ans ! J’étais brune exactement comme ça, et je faisais des chignons à l’arrache. J’aime bien ce style féminin, libre, un peu provoc. J’aimerais tendre à nouveau vers cette légèreté… »
Sachez que les perruques en cheveux naturels ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale. Leur prix varie entre 1 200 et 3 500 euros, et plus c’est long plus c’est cher… Mais d’autres solutions moins onéreuses existent, comme celle proposée par Stéphanie, ancienne coiffeuse et perruquière diagnostiquée en 2020 d’un double cancer du sein. Elle a créé Le pas d’chichi : une prothèse capillaire partielle réalisée avec vos propres cheveux, greffés sur un bandeau ou un joli turban qui ne coûte « que » 450 euros.
« JE ME SUIS CRÉÉ MA COIFFURE »
« J’avais choisi une perruque blonde avec un carré court, remboursée par la Sécurité sociale. Mais je ne me suis pas sentie bien avec. J’en ai trouvé une autre à 20 euros sur Amazon, mais avec des cheveux mi-longs, c’est ce que je voulais. Seulement, ça faisait vraiment très faux ! Comme, sur les côtés, il me restait des cheveux et un peu de longueur, j’ai décidé de me créer une coiffure à moi. J’ai rassemblé et attaché les cheveux qu’il me restait haut sur la tête, j’ai fixé dessus une queue-de-cheval postiche, et pour bien maintenir le tout j’ai acheté des bandeaux. Je me suis sentie présentable.»
Comme Grâce, osez jouer
Grâce aime changer de style et jouer avec son image. Mais cette fantaisie est peu compatible avec son job : juriste. Un carré clair et ébouriffé s’est imposé comme un bon compromis. Sage, mais pas trop. « Ce style fonctionne bien avec la forme de son visage, relève Magali. Et le blond éclaire son sourire malicieux. » Autre atout : ce modèle a des racines noires, impossible de noter une démarcation avec la carnation de son cuir chevelu.
Magali n’a eu qu’à recouper légèrement sur le devant, à effiler légèrement les pointes et à accentuer le côté décoiffé au sèche-cheveux, à une température pas trop élevée. Les perruques mixtes (mi-cheveux naturels, mi-synthétiques) et les synthétiques de bonne qualité le supportent. Côté maquillage, il a juste fallu densifier l’arc des sourcils au crayon et ombrer le ras des cils au-des- sus et en dessous de l’œil avec un fard gris-noir. « Un noir profond aurait durci le regard », précise notre coiffeuse-maquilleuse.
Qu’en dit Grâce? « Je me suis tout de suite sentie bien avec ce blond, qui donne du caractère à mon visage. On dirait une perruque de chanteuse… Je l’appellerais bien Axelle, comme la chanteuse Axelle Red, une nana qui a de la personnalité ! »
« MON CARRÉ S’APPELLE ANNE »
« Ma toute première perruque, j’adore son côté glamour et original : elle est mauve ! J’ai aussi une perruque avec une coupe afro géante. Mais, pour tous les jours, j’ai opté pour un carré jusqu’au cou avec des tresses. Plus classique. En tout, je dois avoir sept ou huit perruques, achetées pour la plupart sur des sites afro-américains, car en France il est difficile de trouver des modèles qui s’approchent de la nature de cheveu des femmes noires. Chacune me donne une personnalité différente, c’est ça qui est rigolo ! Et chacune a un petit nom. Mon carré s’appelle Anne, par exemple. »
Coiffure et mise en beauté : Magali Pilloux
Stylisme : Christine Lerche
Retrouvez cet article dans Rose magazine n°25, p. 105