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Mamans miracles : quand cancer et grossesse cohabitent

{{ config.mag.article.published }} 10 octobre 2016

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Quand cancer et grossesse cohabitent, quand la mort frôle la vie d’aussi près, restent l’amour et le courage. Immenses et farouches. Récits.

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Elles étaient censées vivre « le plus beau moment d’une vie », celui, de surcroît, où la femme est réputée être « le plus épanouie, le plus resplendissante »… C’est peu dire alors que l’annonce de la maladie, déjà fracassante pour n’importe quel individu, a été, pour les cinq femmes que nous avons rencontrées, proprement hallucinante. Chacune d’elles s’est vue mourir, perdre son bébé ou en faire un orphelin. Chacune d’elles a tremblé à l’idée de devoir choisir entre sa vie et celle de son enfant…

Par chance, ce dilemme impossible leur aura été épargné parce que – même dans ses pires dérèglements – la nature « fait parfois bien les choses » en isolant le bébé  dans son cocon placentaire, donc en autorisant la mère à combattre ce qui la détruit.

La plupart du temps, cette même nature pousse le « miracle » jusqu’à faire naître un bébé parfait, avant terme et avant même le déclenchement programmé. Étrange et cruelle leçon… dont les mères présentées ici ne retiennent que le meilleur, évoquant à peine leurs angoisses, jamais leurs souffrances.

Virginie, 33 ans, & Suzanne, 7 mois

Virginie et Suzanne ©Corinne Mariaud

Je suis moi-même médecin, alors, quand j’ai palpé mes ganglions et senti quelque chose de bizarre, à trois mois de grossesse, je me suis prescrit une échographie. Les résultats laissaient juste apparaître une zone inflammatoire, mais j’étais sceptique. J’ai donc continué de réclamer des examens. Finalement, le résultat est tombé deux mois plus tard, quand on m’a enlevé la chaîne ganglionnaire. Mon mari et moi ne voulions pas y croire, préférions nous accrocher à un abcès, et en même temps je m’y attendais… Et, après tout, mieux valait peut-être que je sois diagnostiquée à ce stade de ma grossesse parce que les chimios étaient alors envisageables. Découvert plus tôt, mon cancer, agressif, nous aurait sans doute contraints à faire le choix douloureux du traitement contre la grossesse. Que cette décision nous ait été épargnée nous a finalement réconfortés… J’ai donc subi 4 chimios puis, cinq semaines avant terme, Suzanne est venue toute seule, sans que les médecins aient besoin de me déclencher. Sa naissance a été une parenthèse enchantée dans ce tourment médical car, très vite, j’ai été obligée d’être réopérée et de subir de nouveaux traitements. Suzanne en tout cas se porte à merveille et elle me transmet toute son énergie!

Bénédicte, 34 ans & Robin, 1 an

Bénédicte & Robin ©Corinne Mariaud

À quatre mois de grossesse, j’ai constaté un changement de couleur de mon aréole au réveil, mais j’étais seule à la voir. Ma gynéco n’a rien trouvé d’anormal. J’ai quand même insisté pour faire des examens et, après l’échographie, on m’a indiqué: «A priori rien de grave, mais on va quand même faire une biopsie pour vérifier.» Une semaine plus tard, j’avais un cancer. J’ai tout de suite imaginé que j’allais mourir. Et quand je suis rentrée chez moi, j’ai arrêté de toucher mon ventre. J’étais persuadée que ma grossesse serait interrompue. J’ai passé le pire week-end de ma vie. Mais j’avais déjà un garçon de 4 ans, et un concert prévu le samedi soir avec des amis! Alors je n’ai rien changé à mon programme. Le lundi, à Curie, quand on m’a annoncé que je serais soignée en poursuivant ma grossesse, j’ai été abasourdie: «Quoi, on ne peut pas manger de poisson cru, mais on peut recevoir une chimio ?» Incroyable… J’ai subi une mastectomie, un curage axillaire, puis des séances de chimio toutes les trois semaines. À chaque cure, j’étais stressée.

Dès que je ne sentais plus mon ventre, j’étais au bord de la panique. Les médecins devaient me déclencher après deux semaines et demie de cure et reprendre une semaine après la naissance. Robin est né tout seul, à 4,040 kg ! Aujourd’hui, nous sommes en pleine forme. 

Natacha, 41 ans & Pauline, 6 ans

Natacha & Pauline ©Corinne Mariaud

Un jour, au début de mon cinquième mois de grossesse, j’ai senti une boule dans mon sein. Ma belle-mère, qui m’élève depuis que j’ai 8 ans, est infirmière et membre du réseau Cancer associé à la grossesse (Calg).

J’ai donc tout de suite été parfaitement prise en charge. Une biopsie a vite confirmé ce que je craignais. Mais personne ne m’a parlé d’avortement. Au contraire, on m’a dit qu’à partir du deuxième trimestre certaines chimios étaient envisageables. Les médecins m’ont juste prévenue qu’ils déclencheraient la naissance vers le huitième mois, soit trois semaines après une cure et une semaine avant la suivante, pour que le produit ait le temps d’être assimilé et que le protocole ne soit pas trop bousculé. Ma fille est donc née à 8 mois, mais elle faisait 51 cm et 3,200 kg: le poids et la taille de sa sœur à terme. Elle a senti qu’elle devait sortir parfaite, j’en suis sûre. Quatre mois après sa naissance, j’ai subi un curage axillaire et je ne pouvais plus la porter. Comme si elle avait compris, elle a peu demandé à être portée…

Bien plus tard, elle m’a lâché: «C’est moi qui t’ai rendue malade.» J’ai expliqué que ça n’avait rien à voir. Que le fait d’avoir été enceinte m’avait peut-être sauvée: pendant une grossesse, on s’examine davantage et on est très suivie. Si ça se trouve, je n’aurais pas fait attention à cette boule si je n’avais pas été enceinte…

Valérie, 38 ans, Candice, 2 ans

Valérie & Candice ©Corinne Mariaud

J’étais enceinte de cinq mois quand ma grande fille, Thémis, qui avait 2 ans et demi à l’époque, s’est collée contre moi. J’ai alors senti quelque chose de dur et d’étrange et j’ai tout de suite envoyé un mail à mon radiologue, qui m’a reçue quinze jours plus tard. Il m’a fait une écho et une ponction et, deux jours plus tard, j’avais les résultats.

Par chance, mon cancer était essentiellement in situ. J’ai subi une tumorectomie, le retrait de la chaîne ganglionnaire à cause d’un tout petit bout d’infiltrant (on ne fait pas de ganglion sentinelle pendant la grossesse) mais, aucun ganglion n’étant atteint, je n’ai pas eu de chimio. J’ai tout de même été réopérée trois semaines plus tard parce que la tumeur était hormonodépendante et que le pourtour de l’ablation n’était pas très sain. Malgré tout ça, Candice est née à 8 mois par voix basses, à 3, 390 kg, le poids de ma grande à 9 mois! Je sais qu’on est liées par une histoire particulière, Candice et moi. J’ai tellement pleuré, pendant ma grossesse… Tout le temps, je crois. J’avais peur de mourir, de perdre ma fille et de faire de mon aînée une orpheline. Mon mari a tout géré. Il a été formidable. 

Sabrina, 34 ans & Serena, 5 ans

Sabrina & Serena ©Corinne Mariaud

Pile trois mois avant la date prévue de mon accouchement, je suis allée faire une visite de routine chez le dentiste, comme on le recommande aux femmes enceintes. À la tête de ma dentiste, j’ai compris que quelque chose clochait. Elle m’a pris un rendez-vous chez un ORL qui m’a reçue dès le lendemain, a fait des clichés de ma bouche et une biopsie.

J’ai tout de suite pensé que j’avais un cancer. Mais quand je suis allée chercher les résultats le médecin m’a parlé de tumeur au niveau du palais, pas de cancer. Je visualisais donc une boule et je voulais qu’on me l’enlève immédiatement pour pouvoir poursuivre ma grossesse. J’avais très peur de perdre ma fille, je voulais la protéger. En fait, j’ignorais que ce cancer des glandes salivaires secondaires nécessitait de grosses interventions chirurgicales et de la radiothérapie. Pour mesurer l’étendue de la tumeur, on m’a fait une IRM et un scanner face-thorax avec deux tabliers sur le ventre… Les sinus étaient atteints, de même que le plancher d’une de mes orbites et la base du crâne. Les médecins voulaient m’opérer sur-le-champ. Ils m’ont dit: « Votre bébé a 7 mois, il est viable. » « Viable »… Impossible à entendre. Pour moi, il était hors de question d’accoucher.

L’hôpital m’a accordé trois semaines. Une attente affreuse. À 7 mois et 3 semaines, j’ai été déclenchée et mon mari a été autorisé à assister à la césarienne. Serena pesait 2,4 kg et, comme il faisait 34 °C, elle n’a pas été placée en couveuse. C’est mon mari qui s’est tout de suite occupée d’elle. Aujourd’hui, je suis en rémission et en reconstruction depuis bientôt cinq ans. Mais, sans ma fille, je ne sais pas si j’aurais eu la force de me battre comme je l’ai fait. Je vis pour elle parce qu’elle me fait vivre. 

 


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Béatrice Lorant

Ancienne rédactrice en chef de Rose magazine

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