« Le cancer de l’enfant est comme un séisme. Il rompt le lien qui existait auparavant au sein de la famille. L’enfant est entouré d’obstacles : le personnel soignant, les perfusions… Les parents ne savent souvent plus où est leur place et chacun se retrouve isolé. » explique le Dr Dominique Valteau-Couanet, oncopédiatre à Gustave Roussy impliquée dans le projet.
Comment rétablir la connexion dans ces conditions ? Par le massage. Mais « l’enfant douloureux » ne se laisse pas toucher facilement. « Il faut respecter certaines étapes, conseille Marie Thérain, psychomotricienne à l’hôpital Armand Trousseau et membre du groupe de travail dédié au projet, on va d’abord poser sa main sur le bras de l’enfant. Et puis, on va lui demander s’il veut bien être massé et où. » La technique des « 3 cœurs » est un bon moyen d’apprivoiser l’enfant. « Nous avons conçu une série de massages ludiques. Ils ont chacun un nom : il y a la grande plume, la colonie de fourmis, le jardin… » énumère Marie Thérain. « Les « 3 cœurs » est une bonne entrée en matière parce qu’il s’agit d’un massage de la main » explique la psychomotricienne avant de montrer la technique sur Mathilde, maman de Pierre-Alban, deux ans et demi, atteint d’une tumeur à l’oreille : « On tient la paume de l’enfant délicatement entre ses 2 mains et on dessine des cœurs, de plus en plus larges, avec ses pouces. » Un, deux, trois. « Pour papa, maman et l’enfant. Mais s’il y a des frères et sœurs, on peut en faire 4, 5… » Car c’est tout l’avantage de ces techniques : elles sont faciles à apprendre et à adapter. Ce que confirme Cindy, maman de la petite Juliane : « Il est facile de s’approprier les techniques. Cela vient très naturellement parce que la caresse est un geste que l’on fait instinctivement avec un bébé. »
« On se retrouve tous les 3 dans une bulle, loin des gestes médicaux »
Quand l’enfant s’est habitué aux caresses, on peut passer à des zones plus étendues : bras, jambes, visage, dos. « On peut finir par « la petite histoire du jardin » : On va planter des graines de tomates, explique Marie Thérain en faisant mine de « poker » un dos imaginaire avec son index, après on va creuser des sillons, ajoute-t-elle en faisant glisser son doigt de haut en bas, on fait tomber la pluie… » La petite histoire se termine par des chatouilles quand vient le moment de cueillir les tomates. « Pendant ces moments, on se retrouve tous les 3 dans une bulle, loin des gestes médicaux » reconnaît Cindy, maman de la petite Juliane. « On oublie un peu la maladie et on recrée un lien » ajoute Benoit, le papa, très ému.
Ces moments privilégiés ne soulagent pas seulement les enfants. Ils contribuent aussi à améliorer l’image que les parents ont d’eux-mêmes comme l’explique Ruth Hoffmann, présidente de la Childhood Cancer International (CCI), association dédiée aux enfants qui a également contribué au programme : « Les parents sont blessés parce qu’ils ont l’impression d’être à l’origine de la souffrance de leur enfant en les amenant à l’hôpital pour des soins parfois douloureux. » Un sentiment que le massage participe à changer. « Nos mains ne servent plus uniquement à maintenir notre enfant pendant que l’infirmière fait une piqure. Elles sont là aussi pour apaiser » confirme Mathilde.
Pour le moment, seules 7 familles ont pu profiter de cet enseignement. Au cours de l’année, il sera proposé aux familles dont l’enfant est hospitalisé dans l’un des 47 centres appartenant aux fédérations Unicancer ou hospitalière de France (FHF). La Fondation La Roche-Posay prévoit également de créer un jeu de cartes qui permettra aux enfants qui ne peuvent pas communiquer, en raison de leur jeune âge ou d’un handicap, de choisir leurs massages en désignant des images.
Emilie Groyer
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Pour répondre aux questions des parents mais également des enfants atteints de cancer, la Fondation La Roche-Posay a créé un portail d’information en collaboration avec Childhood Cancer International, un comité scientifique pluridisciplinaire et des familles et associations de patients.