Le cancer de l’endomètre est le cancer gynécologique le plus fréquent en France. Diagnostiqué à un stade précoce, il se guérit dans la majorité des cas. Son pronostic est en revanche plus sombre lorsqu’il progresse ou devient métastatique. L’arrivée d’un nouveau traitement en accès précoce pourrait changer la donne. Le Pr Isabelle Ray-Coquard, oncologue médical au centre Léon Bérard (Lyon), professeure d’oncologie médicale à l’université Claude Bernard Lyon 1, nous éclaire sur l’importance de cette annonce.
La HAS vient d’octroyer un accès précoce à un traitement innovant qui combine deux médicaments. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pr Ray-Coquard : Il s’agit d’une combinaison entre une immunothérapie, le pembrolizumab ou Keytruda, et un anti-angiogénique, le lenvatinib ou Lenvima. Ces deux molécules sont déjà connues mais c’est la première fois qu’elles sont associées dans le cancer de l’endomètre. Cet accès précoce fait suite à l’étude KEYNOTE-775 dont les résultats ont été présentées en 2021 et qui viennent d’être publiés dans le New England Journal of Medicine1.
Quels sont les résultats de cette étude ?
L’étude s’est focalisée sur les femmes avec un cancer de l’endomètre avancé, récidivant ou métastatique, et ayant déjà reçu une premier ligne de traitement par chimiothérapie à base de sels de platine. Elle a comparé l’efficacité de la combinaison Keytruda+Lenvima à celle du traitement standard : en l’occurrence une chimiothérapie par Doxorubicine ou par Paclitaxel.
Les résultats ont montré que ce nouveau traitement diminue de 44% le risque de récidive et de 38% le risque de décès. Pour la première fois, avec la combinaison Keytruda+Lenvima, la médiane de survie dépasse un an.
En quoi cet accès précoce est-il une nouvelle importante ?
Parce que cela faisait 30 ans qu’il n’y avait pas eu de nouveau médicament dans le cancer de l’endomètre ! Nous sommes donc extrêmement heureux d’avoir accès à ce traitement car nous disposions de peu d’options thérapeutiques. C’est un cancer dont on ne parle jamais. Parce qu’il est de bon pronostic quand il est diagnostiqué à un stade précoce mais aussi parce qu’il touche principalement des femmes âgées. Il était donc important que les patientes sachent qu’elles ne sont pas laissées-pour-compte et qu’on s’occupe d’elles.
Concrètement, qui pourra en bénéficier et à partir de quand ?
Ce traitement peut être prescrit dès à présent à toutes les femmes qui progressent ou récidivent après une première ligne de chimiothérapie. On estime que cela représente environ 1 600 patientes.
Il est important de préciser que l’indication de ce traitement ne dépend pas du profil de la tumeur, comme cela peut parfois être le cas avec les immunothérapies. Il est efficace que la tumeur exprime ou non le PD1 [cible du pembrolizumab, NDLR] et qu’elle présente ou non une instabilité microsatellitaire [ou MSI, instabilité du génome qui rend la tumeur plus immunogène, NDLR]
Ce traitement est-il bien toléré ?
Malheureusement, ce nouveau traitement est moins bien toléré que la chimiothérapie en raison de la toxicité du Lenvima. Ses effets indésirables sont différents. Contrairement à la chimiothérapie, il ne provoque pas d’alopécie mais il entraine une hypertension dans 35% des cas et des diarrhées sévères dans un peu plus de 7% des cas. Dans l’étude, cela a conduit à réduire la dose du traitement chez plus de 65% des patientes. Malgré tout, il n’y avait pas de différence en termes de qualité de vie entre les patientes ayant reçu le traitement standard par chimiothérapie et celles ayant reçu la combinaison Keytruda+Lenvima.
Cela signifie qu’il va nous falloir surveiller nos patientes de façon rapprochée pour les accompagner au mieux, faire en sorte qu’elles tolèrent leur traitement et qu’elles continuent de le suivre.
Quelles sont les prochaines avancées à attendre dans le cancer de l’endomètre ?
La prochaine étape, c’est de remonter les lignes de traitement. Une étude comparant, de la même façon, la chimiothérapie à la combinaison Keytruda+Lenvima est en cours, mais cette fois comme première ligne de traitement.
Par ailleurs, on sait qu’environ 17% des patientes présentent une instabilité microsatellitaire qui rend leur tumeur plus immunogène et donc plus sensible à l’immunothérapie. L’immunothérapie pourrait fonctionner seule. Pour ce sous-groupe de patientes, on va donc tester l’efficacité du Keytruda sans Lenvima. Ce qui permettrait de s’affranchir de certaines toxicités.
Les résultats ne seront toutefois pas disponibles avant l’année prochaine.
INFO + : Pour comprendre ce qu’est la MSI, lisez notre article « Cancer colorectal : l’instabilité du génome comme nouvel arme »
Propos recueillis par Emilie Groyer
1. le Pr Isabelle Ray-Coquard est co-auteur de cette étude