Dr Lemaire : Les dernières recommandations européennes de prise en charge du cancer stipulent qu’on n’a pas assez des preuves scientifiques pour recommander, ou ne pas recommander, l’usage du cannabis thérapeutique.
Néanmoins, les médecins de la douleur peuvent prescrire depuis 2 ans du cannabis à visée thérapeutique dans le cadre d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU). Cette ATU nous permet d’obtenir une dérogation pour utiliser le Marinol (ou Dronabinol) qui n’a pas encore d’autorisation de mise sur le marché. Elle est accordée uniquement pour les douleurs neuropathiques considérées comme rebelles. Il faut donc monter un dossier et prouver que les traitements contre la douleur prescrits jusque-là sont mal tolérés ou inefficaces. S’agissant d’une ATU, sa prescription et son suivi sont très codifiés : on revoit le patient tous les mois, le médicament est à disposition à la pharmacie de l’hôpital…
Au Centre Hospitalier de Valenciennes, on en a une bonne expérience parce qu’on l’a proposé à de nombreux patients atteints de douleurs liées au cancer. On a parfois une très bonne efficacité chez certains patients qui tolèrent parfaitement le traitement et en tirent un bénéfice très net. Parfois, l’efficacité est moindre ou ne se prolonge pas dans le temps. Les patients nous disent que le traitement a davantage agi sur leur anxiété ou sur leur manque d’appétit.
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Comme je le disais, nous manquons de données sur l’efficacité du cannabis thérapeutique. C’est sur ce constat que l’Agence nationale de sécurité du médicament, l’ANSM, a démarré une expérimentation nationale. Cette expérimentation est voulue depuis 2 ans. Elle a été très retardée par la crise Covid mais ça y est, elle va démarrer en avril. Il y a plusieurs indications : épilepsie sévère, spasticité de la sclérose en plaque, … Et pour ce qui concerne le cancer, il y a des indications pour les soins oncologiques de support et palliatifs, et pour les douleurs chroniques.
Les centres investigateurs, il y en a une cinquantaine en France, ont été identifiés en fonction d’une indication. Par exemple, notre centre à Valencienne est un soin expérimentateur au titre des soins oncologiques de support et palliatifs. Cela nous permet de prescrire du cannabis avec différentes compositions en THC et CBD, qui sont les principaux principes actifs du cannabis. On aura aussi accès à différentes formes galéniques, c’est-à-dire différentes présentations du médicament : des huiles, de la vaporisation à inhaler… Et on pourra les proposer dans différentes indications : anxiété, douleur réfractaire, troubles du sommeil, perte d’appétit…
On pourra ainsi évaluer le cannabis à usage médical à l’échelle nationale de manière scientifique et déterminer ce que les malades peuvent en attendre.
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Propos recueillis par Emilie Groyer