« J’peux pas, j’ai chimio ! » : foulard noué sur le crâne, manche retroussée et bras crânement replié, Marine signe une version décalée de la célèbre image du « We can do it1« , symbole du « girl power ». Marine a 31 ans. Elle vit à Albertville, en Savoie, « au fin fond de la montagne » et manie l’humour et le crayon à dessin avec une égale virtuosité. La page Facebook où elle raconte, en illustrations, sa vie de jeune maman touchée par le cancer a déjà réuni, en quelques semaines, près de 2000 abonnés.
Il faut dire que Marine n’est pas une novice en termes de dessins. Marine et ses crayons, c’est une histoire d’amour de longue date. La jeune femme a même passé un baccalauréat d’arts plastiques. Mais elle ne peut se résoudre à commercialiser des dessins, alors elle se tourne vers l’action sociale.
« Pour la première fois depuis des années, j’ai du temps devant moi ». Encouragée par des amis, elle ouvre à nouveau sa planche à dessin et décide de partager ses créations avec le plus grand nombre. « Un coup de crayon pour avancer », écrit-elle sur sa page Facebook. Dans ses dessins, de nombreuses malades se reconnaissent. « Les idées viennent naturellement, confie Marine. Il y a beaucoup de femmes malades qui aiment la page, et qui me remercient, c’est merveilleux ». (Lire aussi notre article : De l’hôpital à la galerie d’art)
Un diagnostic lourd
Car si Marine tombe aussi juste dans ses croquis, c’est qu’elle est directement confrontée au crabe. En août dernier, la maladie s’immisce dans son quotidien. « Je me sentais souvent fatiguée, mais étant maman célibataire d’un petit garçon de 5 ans, avec un poste à responsabilité, mon médecin me disait que c’était plutôt normal ». Un jour, son compagnon sent une boule dans son sein droit. Tout de suite alertée, Marine prend rendez-vous chez son médecin généraliste pour un premier avis. « Elle n’était pas très inquiète mais m’a dit qu’on allait quand même prendre un rendez-vous pour une échographie et une mammographie, histoire d’être sûre ».
Ses examens ont lieu quelques jours après. « J’ai tout de suite senti que ce n’était pas merveilleux », se souvient Marine. Dès le lendemain, elle fait plusieurs biopsies. le diagnostic est lourd : trois tumeurs et des microcalcifications. « J’ai eu la chance de tomber sur un médecin radiologue d’une grande bienveillance. Il avait une fille du même âge que moi. Il m’a très bien annoncé la chose. » Marine subit une ablation totale du sein droit, le 12 septembre dernier. « J’aurais eu moins de deux ans à vivre si on n’avait pas réagi aussi vite, donc chaque jour, chaque anniversaire est une victoire », souligne la jeune femme.
Vie sexuelle, sport
« On m’a enlevé le sein, pas le sens de l’humour – plaisante Marine. Je voulais évoquer ma maladie mais avec de l’autodérision. Il y a une vie avant, après le cancer mais aussi pendant ! » Quoi de mieux que ses crayons pour surmonter cette épreuve ? Un déclic qui se produit au mois d’octobre. « À l’Institut du Sein, pendant ma première semaine de chimiothérapie, l’équipe avait organisé une représentation d’une pièce de théâtre jouée par des patientes, elles étaient tellement belles, courageuses. » Marine se lance comme défi de faire aussi bien, dans le domaine artistique qui est le sien. (Lire aussi notre article : L’univers coloré de Mélody Larcher)
Tous les aspects de la maladie passent sous le crayon de Marine et deviennent des planches colorées : la reprise difficile du sport, les déboires de la vie sexuelle avec une prothèse ou encore la perte des cheveux. Son objectif : publier en moyenne un dessin tous les deux jours. Car les anecdotes ne manquent pas.
Son petit bout de 5 ans est également pour elle une grande inspiration. « Lorsque mes cheveux ont commencé à tomber, je lui ai expliqué que j’allais devoir mettre une perruque. Forcément, il a voulu regarder en dessous. Je craignais un peu son regard et au final il a explosé de rire. Il m’a dit : “On dirait tonton Yann!” Mon frère est rasé à blanc.»
Chimio et pop-culture
Il y a quelques mois, Marine a commencé par quatre séances de chimiothérapie. « Au niveau des effets secondaires, j’ai tout eu : une fatigue abominable, le corps tétanisé pendant six heures, une fois je n’ai rien eu et la dernière fois j’ai passé douze heures à vomir, énumère Marine. C’est la roue de la chimio : faites vos jeux ! » Depuis le 26 décembre, elle a attaqué ses cures de Taxol. Il lui faudra ensuite faire face à de la radiothérapie et enfin l’hormonothérapie. Le parcours est long, mais la dessinatrice refuse de se laisser démoraliser.
Dans ses dessins, Marine s’inspire de la pop-culture : Jon Snow combattant le froid, Yoda lui enseignant la patience ou encore Miss France qui fait quelques envieuses. Et elle envisage la suite de son parcours avec sérénité. Un an après la fin des traitements, en mai 2021, elle se fera enlever son deuxième sein, avec l’accord de l’équipe médicale, et reconstruire les deux en même temps. « Du coup, j’ai investi dans de la belle lingerie post-opératoire. L’ablation d’un sein n’enlève pas qui je suis ». La dessinatrice attaque cette nouvelle année, pleine d’idées. Et la to-do list est longue : « voyager un max », « profiter de la vie », « tomber amoureuse de moi-même ».
Mathilde Durand
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« On peut le faire »