Une étude israélienne, publiée dans la prestigieuse revue Lancet Immunology, a testé l’effet du vaccin anti-Covid Pfizer chez les malades de cancer. Et il s’agit d’une première.
Il faut en effet rappeler que, avant leur mise sur le marché, l’efficacité et l’innocuité des vaccins contre le Covid ont été vérifiés uniquement chez des personnes « saines », c’est-à-dire ne souffrant pas d’une pathologie. Il ne s’agit pas là d’une exception liée à la rapidité de développement de ces vaccins mais bien d’un schéma classique. Les personnes malades sont généralement exclus des premiers essais cliniques, leur pathologie pouvant influer sur l’efficacité du médicament testé et rendre ainsi les résultats difficiles à interpréter. « Pour beaucoup de vaccins actuellement disponibles pour d’autres virus, les études sur des populations spécifiques, comme les malades de cancer par exemple, sont faites a posteriori » nous précisait en décembre 2020 le Jean-Daniel Lelièvre, chef du service d’immunologie clinique et maladies infectieuses au CHU Henri Mondor
Première étude visant les malades de cancer sous immunothérapie
Dans cette étude, les chercheurs se sont plus particulièrement intéressés aux personnes atteintes de cancer traitées par inhibiteurs de point de contrôle (ou inhibiteur de checkpoint), comme les anti-PD1 ou anti-PDL-1. Ce traitement, qui appartient à la catégorie des immunothérapies, est destiné à stimuler les défenses immunitaires des malades pour qu’elles s’attaquent à la tumeur. Il peut cependant arriver que cette réponse immunitaire soit mal dirigée et provoque des effets indésirables comme des inflammations des articulations, du foie ou du colon.
Le but de la vaccination étant justement de stimuler le système immunitaire, on pouvait donc craindre qu’elle n’exacerbe ces effets indésirables. Bien que des études précédentes aient montré que la vaccination contre la grippe était sans risque chez ces patients, il n’était pas évident que ce soit également le cas pour la vaccination anti-Covid. C’est ce qu’ont voulu vérifier les auteurs de cette étude.
Pas plus d’effets indésirables liés à la vaccination
L’équipe du Dr Waissengrin a donc surveillé les effets indésirables développés par 134 personnes touchées par un cancer et traitées par immunothérapie après l’administration des 2 doses du vaccin Pfizer. Ces effets ont ensuite été comparés à ceux développés par des personnes en bonne santé – en l’occurrence, le personnel soignant du Tel Aviv Sourasky Medical Center – du même âge et du même sexe.
Les résultats ont montré que les effets indésirables liés à la vaccination étaient similaires dans les 2 groupes. Après la première injection, les malades de cancer ont ressenti, comme le personnel soignant, une douleur au point d’injection (21 % des cas), de la fatigue (4 %), des maux de tête (2%), des douleurs musculaires (2 %), des frissons… Les effets étaient, comme attendu, plus fréquents après la seconde injection sans pour autant requérir une quelconque intervention médicale.
Pas plus d’effets indésirables liés à l’immunothérapie
Concernant les effets indésirables liés à l’immunothérapie, les auteurs n’ont pas observé l’apparition de nouveaux troubles suite aux injections. De plus, les malades de cancer qui souffraient déjà d’effets indésirables avant la vaccination n’ont pas vu leurs symptômes amplifiés.
Il faut toutefois rester prudent quant à l’interprétation de ces résultats. Les patients surveillés dans cette étude ont été vaccinés en janvier et février 2021. Cette étude évalue donc uniquement les effets à court terme de la vaccination. Par ailleurs, le nombre de patients inclus est restreint. Comme l’indiquent les auteurs dans la publication : « Parce qu’aucun effet indésirable lié à la vaccination ou aux inhibiteurs de checkpoint n’a été observé dans cette cohorte de 134 patients qui ont reçu 2 doses de vaccin, il est peu probable que nous soyons passés à côté d’effets indésirables fréquents. En revanche, des effets indésirables rares pourraient être identifiés quand de plus larges cohortes seront étudiées. »
Bien que rassurants, ces résultats devront être confirmés par des études impliquant davantage de patients, avec un suivi à plus long terme, et portant sur les autres vaccins actuellement administrés.
Emilie Groyer