« Depuis le début de l’épidémie, comme me l’a bien stipulé mon équipe soignante, je fais partie de ces personnes à hauts risques. En effet, je me bats contre un cancer métastatique depuis de nombreuses années, je suis donc restée ultra vigilante depuis le mois de novembre 2019. Les seules sorties autorisées sont mes visites de chimio à l’hôpital et mes rendez-vous avec l’oncologue.
Masques FF2 et tests PCR hebdomadaires
Malgré la grande précarité dans laquelle m’a plongée la maladie, j’ai investi dans des masques FF2. J’ai engagé des frais importants puisque j’ai également acheté des gants, des chaussons de protection. Les seules visites que je reçois sont celles de mes filles qui font mes courses – mais nous avons adopté un parcours extrêmement rigoureux : désinfection de chaque paquet qui entre chez moi et mise en quarantaine de certains produits frais plusieurs heures. Chaque semaine, nous renouvelons les tests PCR qui sont toujours négatifs.
Lundi dernier (19 octobre), je fais ce qu’on appelle une décompensation d’ascite (suite à une toxicité chimio-induite). A 5 heures du matin, je n’arrive plus à respirer. J’étouffe. Une amie appelle les pompiers puis le samu arrive également, on me stabilise et je suis transportée à l’hôpital où je suis traitée.
« La descente aux enfers »
C’est là qu’a commencé ma descente aux enfers. Durant le transfert vers l’hôpital, certains pompiers ne mettent le masque qu’en ma présence – mais le retirent et le glissent sous le nez aussitôt qu’ils quittent ma chambre à coucher. Le médecin du SAMU qui m’ausculte porte également son masque sous le nez !
Une fois arrivée aux urgences, on me place dans un box sur un brancard. Les portes restent ouvertes. Nous sommes 6 nouveaux arrivants dans le service. Les 5 autres toussent à s’en arracher les poumons et, selon l’urgentiste, sont probablement des patients infectés par le COVID. A l’arrivée à l’hôpital, on me fait un test PCR qui reviendra négatif quelques heures après.
Contaminée par le COVID aux urgences
Après quelques soins, on me place dans une chambre seule aux urgences en attendant de pouvoir, le lendemain midi, être prise en charge par le service d’oncologie qui me suit.
Ma chambre étant sans cesse ouverte, je vois de mon lit des brancards arriver et rester des heures devant la porte. Ce sont des défilés des malades qui toussent à n’en plus pouvoir. Je m’inquiète et informe ma famille que j’ai peur d’être contaminée aux urgences. Mes proches font alors des pieds et des mains et je suis admise au service oncologie.
Mercredi soir, je commence à tousser. Par « acquis de conscience », l’oncologue me prescrit un nouveau test PCR – mais elle me précise qu’il est « de principe », puisqu’il y a 3 jours, il était négatif. Le jeudi matin, la situation s’aggrave, je suis prise de violentes quintes de toux et je demande à recevoir de l’oxygène. Je me sens très fatiguée et les quintes sont de plus en plus éreintantes.
Test positif et isolement
Vendredi matin, l’infirmière m’annonce, comme je le craignais, que je suis positive à la COVID et c’est le début du branle-bas de combat. Je suis mise à l’isolement. Tout le service oncologie se fait tester et ma famille aussi. L’ensemble de leurs tests reviendront négatifs : ma contamination n’est pas due à ma famille ni à ma présence récente en oncologie. Le médecin confirme mes inquiétudes et m’avoue que, probablement, j’ai été contaminée soit lors de mon transport ou aux urgences !
Ma situation médicale s’aggrave rapidement. Le scanner confirme une atteinte aux deux poumons. Je ne vais quand même pas mourir du coronavirus alors que je me bats si fort contre le cancer depuis 14 ans ! Je ne veux pas. Je suis anéantie et mon moral est au plus bas. De grands moments découragements m’envahissent. Je perds le gout et l’odorat et j’ai du mal à m’alimenter.
Après 10 jours, petit sursaut d’espoir : ma saturation (taux d’oxygène dans le sang) s’améliore. Les quintes de toux restent épuisantes malgré tout et la fatigue m’accompagne et risque de m’accompagner de nombreuses semaines. De ce fait tous mes traitements contre le cancer sont en suspens, comme si j’avais besoin de cette pause ! Le cancer, lui, n’attend pas ! ».
Faby est décédée quelques jours plus tard des suites du COVID.
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