« Les risques de décès par cancer augmentent à chaque mois perdu« . Cette affirmation prononcée par le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer, en avril dernier sonnait comme une évidence. Pourtant, aucune étude n’avait encore mesuré clairement l’impact de ces retards en fonction du traitement et de la localisation du cancer concernés. Une étude menée par des chercheurs canadiens et britanniques, publiée le 4 novembre dans la prestigieuse revue médicale The British Medical Journal (BMJ), vient de répondre à cette question sur laquelle il devenait urgent de se pencher alors que nous affrontons une nouvelle vague de Covid-19 et où une priorisation des soins est une nouvelle fois envisagée.
Cette méta-analyse a compilé les résultats de 34 études portant sur plus d’un million de patients. Sept cancers, représentant 44% des incidences, ont été regardés : la vessie, le sein, le colon, le rectum, le poumon, le col de l’utérus et la tête et le cou. Les résultats montrent que le retard dans l’initiation du traitement augmente de manière significative la mortalité des malades de cancer et ce, pour la grande majorité des traitements (13 indications sur les 17 analysées).
Une surmortalité de 6 à 8 % pour chaque report d’un mois d’une chirurgie
Ainsi, chaque report d’un mois d’une chirurgie augmente la surmortalité de 6 à 8 % . Les résultats sont encore plus alarmants pour certaines radiothérapies ou traitements systémiques (comme la chimiothérapie) : les auteurs ont relevé une augmentation de 9 % du risque de décès s’agissant de la radiothérapie dans le cancer de la tête et du cou, et de 13% s’agissant des traitements systémiques adjuvants (après la chirurgie) du cancer colorectal.
Une surmortalité même pour des retards inférieurs à 4 semaines
Les auteurs alertent également sur les reports inférieurs à 4 semaines qui « ne devraient pas être justifiés comme étant sûrs » selon eux. Un délai de seulement 2 semaines dans la chirurgie d’un cancer du sein par exemple, augmente en effet le risque de décès de 4%.
En gardant ce même exemple, les auteurs ont évalué la surmortalité si le délai se prolonge à 3 mois, soit la durée du confinement et la reprise d’un activité normale. Les chiffres ont de quoi faire froid dans le dos : un tel retard conduirait à 1400 décès supplémentaires au Royaume-Uni, 6 100 aux États-Unis et 500 en Australie. Les auteurs n’ont pas indiqué les chiffres pour la France.
« Il est urgent de reconsidérer la priorisation des soins«
Les résultats de cette étude, déjà alarmants, n’ont pas pris en compte l’impact que ces retards pourraient avoir sur le contrôle local du cancer, les conséquences fonctionnelles (continence, déglutition…), les complications liées au recours à des traitements plus invasifs en raison de la progression de la maladie, la qualité de vie, la charge économique… « Par conséquent, l’impact du report des traitements est probablement bien plus important pour les malades et la société que ce que reflètent nos résultats » signalent les auteurs avant de conclure que « ces résultats suggèrent qu’il y a un besoin urgent de reconsidérer comment nous organisons nos services d’oncologie. »
Olivier Véran, Ministre des solidarités et le santé, a assuré que la prise en charge du cancer serait préservée et que la reprogrammation des soins n’impacterait pas l’oncologie lors de cette nouvelle vague de Covid-19. Au vu des résultats de cette étude, il sera primordial de veiller à ce que cette directive soit appliquée à la lettre.
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Emilie Groyer