Je m’appelle Clara. J’habite près de Martigues. J’ai 37 ans et un cancer du sein hormono-dépendant. Alors que mon avenir s’annonçait radieux, tout s’est écroulé. Je ne serai peut-être jamais maman.
Pourtant, tout avait bien commencé. Un mariage avec l’amour de ma vie l’année dernière. Un projet d’enfant, des étoiles pleins les yeux. En fin d’année, alors que je m’apprêtais à faire des examens pour savoir pourquoi je ne parvenais toujours pas à être enceinte, j’ai senti une grosseur dans mon sein. De celles qui ne trompent pas.
Puis le Covid-19 s’est invité dans nos vies…
La valse des examens a commencé, puis la nouvelle est tombée. Cancer. Autant dire que nous avons remis notre projet d’enfant à plus tard. Il fallait m’opérer rapidement. J’ai choisi un hôpital marseillais pour subir une tumorectomie. Jusque-là, tout paraissait (tristement) sous contrôle. Puis, le Covid-19 s’est invité dans nos vies le 17 mars. Et a bouleversé la mienne.
J’avais, le 24 mars, rendez-vous à l’hôpital avec un médecin spécialiste de la fertilité. A l’occasion de mon rendez-vous post-opératoire, la chirurgien m’avait informé que je pouvais préserver mes ovocytes afin de ne pas perdre mes chances d’être un jour maman. Un projet au cœur de ma vie de couple. Essentiel.
Avec le confinement, pas de préservation de fertilité
Mais, alors que je me rendais, confiante, à ce rendez-vous, première claque. Il faut dire que le médecin ne m’a pas ménagée et m’a annoncé direct qu’ : « avec le confinement, il n’y avait pas de préservation ovocytaire possible pour le moment ». Un véritable coup de massue. Quand je lui ai demandé ce que je pouvais faire, elle m’a répondu : « Il faut attendre que les centres rouvrent. Je vous contacterai en temps utile ».
Elle m’a expliqué que la préservation de la fertilité faisait partie des services médicaux considérés comme « non urgents » depuis le déclenchement du plan Blanc, début mars. Une recommandation de l’agence de Biomédecine. « Non urgents » ! C’est aberrant ! Comme si avoir un enfant était secondaire quand on entame une course contre la montre pour sauver sa peau ! Et pourquoi dans notre région qui ne faisait pas partie des régions où le virus circulait activement ? Tout cela me paraissait assez absurde.
Note de la rédaction : chaque Agence Régionale de Santé a interprété différemment cet avis de l’agence de biomédecine qui préconisait de ne maintenir la préservation ovocytaire que « pour des cas particuliers ». Ainsi la région des Haut de France par exemple n’a jamais cessé ses préservations pour les femmes touchées par le cancer.
Seule pour affronter mon cancer
Ensuite, tout est allé de travers. Mon rendez-vous d’onco-génétique a été annulé. Mes rendez-vous physiques, transformés en appels téléphoniques. J’étais seule pour affronter un cancer dont on ne connaissait pas encore la gravité !
C’est d’ailleurs seule que je découvre, le 9 avril, dans la conclusion d’une IRM de contrôle que j’avais une nouvelle lésion dans mon sein. Re-coup de massue ! Je téléphone à l’hôpital, j’insiste auprès de la secrétaire, j’argumente pour parler à mon médecin. Finalement, l’oncologue consent à me prendre au téléphone pour m’asséner que suite à cette IRM, j’allais devoir subir une nouvelle biopsie et que si la masse détectée était cancéreuse, il me « retirerait tout le sein ». Annoncer cela, au téléphone, de cette manière, c’est inhumain.
Le sol se dérobe sous mes pieds…
C’est alors que je décide de changer d’hôpital et de faire transférer mon dossier à Avignon. Dés mon premier rendez-vous, le 5 mai, ma nouvelle oncologue de l’Institut Sainte Catherine contacte « pour faire le point » la spécialiste de l’onco-fertilité que j’avais rencontrée à Marseille le 24 mars. Quand j’ai compris ce qu’elles se disaient au téléphone, le sol s’est dérobé sous mes pieds.
Au bout du fil, la spécialiste de l’onco-fertilité expliquait qu’elle avait avisé mon oncologue marseillais que la préservation était de nouveau possible. Il devait me prévenir. Pourquoi ne l’a-t-il jamais fait ? Mais comment est-ce possible ? A-t-il pu oublier ? Je n’ai même pas eu la force de lui demander.
Le « choix » entre l’enfant et ma survie
Ma nouvelle équipe m’a fait comprendre que c’était trop tard pour faire une préservation. Sachant qu’il faut plusieurs semaines de stimulation, c’était trop risqué d’attendre pour démarrer la chimiothérapie.
J’ai eu seulement une semaine pour décider entre le traitement ou la possibilité d’avoir un enfant. Un choix cruel. Que personne ne devrait avoir à faire. Avec mon mari, nous avons privilégié ma santé, ma vie. Notre vie. On a choisi les traitements. Pour ne pas avoir de regrets si la maladie revenait. J’aurai donc de la chimio jusqu’au mois d’octobre, de la radiothérapie et de l’hormonothérapie.
Je garde quand même un petit espoir d’être un jour maman si j’obtiens une fenêtre thérapeutique permettant d’interrompre mon hormonothérapie au bout de deux ou trois ans. Si cela échouait, on entamerait une démarche pour adopter. Même si l’on sait que ce sera le parcours du combattant.
D’autres femmes, dans d’autres régions, ont pu préserver leurs ovocytes…
En attendant, j’ai fait ma première chimio le 21 mai. Tout s’est bien passé mais la colère est toujours présente. Difficile de ne pas penser à ma perte de chance d’avoir un enfant, surtout depuis que j’ai lu sur la page Facebook de RoseUp que d’autres que moi avaient pu préserver leurs ovocytes. Question de région !
Je pourrais éprouver de la haine pour ces directives absurdes qui ont fait perdre des chances à de nombreux de patients, y compris dans des régions qui n’ont pas vu passer de cas de Covid. Ou pour ces soignants, sûrement dépassés par les circonstances sanitaires exceptionnelles. Même pas. De toute façon, il est impossible de revenir en arrière. Autant me concentrer sur le présent. L’essentiel c’est que l’on soit heureux le plus longtemps possible avec mon mari. Et que l’on en finisse avec cette épidémie. Car le confinement, c’était vraiment le pire scénario que je pouvais imaginer après l’annonce de mon cancer !
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