Depuis le début du confinement, les consultations chez les spécialistes ont chuté de 50 %, selon l’Assurance-Maladie. Pourtant, d’après le Dr Sarah Dauchy, psychiatre et responsable du Département interdisciplinaire de soins de support à Gustave Roussy (IGR) de Villejuif, il est essentiel que les personnes atteintes d’un cancer restent mobilisées sur leur maladie.
Quelles émotions le confinement peut-il générer chez les personnes atteintes d’un cancer ?
Dr Sarah Dauchy : Chacun réagit différemment, bien sur, mais chez certains le confinement peut générer des émotions négatives: la peur, la frustration, la colère, la tristesse et l’irritabilité. Lorsque la peur s’aggrave, on peut être submergés par des crises de panique. Et, effet aggravant, durant le confinement, les patients sont coupés des ressources qui leur permettent habituellement de lutter contre ces émotions négatives : le soutien social, les occupations quotidiennes, les soins de support…
Comment gérer ces émotions négatives ?
Tout d’abord, il faut faire le tri dans le flux énorme d’informations reçues. Une solution simple: éviter de trop regarder les chaînes d’information en continu qui génèrent un stress… en continu. Ensuite, il faut essayer d’obtenir des informations personnalisées, parfaitement adaptées à sa propre situation. Les patients se posent de nombreuses questions sur le risque ou la nécessité de suivre leurs traitements. C’est légitime. Il ne faut pas rester seul avec ces inquiétudes, il faut contacter les équipes médicales. Elle sont là pour vous, pour expliquer et accompagner.
« Une solution simple pour diminuer l’angoisse : ne pas regarder les chaines d’info continue… »
Supprimer une émotion négative est souvent une tâche impossible. On peut en revanche essayer de « faire avec ». Commencer, par exemple, par être conscient que le confinement permet de se protéger soi et les autres. Ensuite, trouver des ressources accessibles qui génèrent des émotions positives. [Notre association RoseUp met à votre disposition des webinaires et ateliers en ligne chaque jour, NDLR]. Enfin, il est important de conserver un rythme de vie proche de l’avant confinement, et notamment de continuer à se lever le matin, ce qui est une bonne façon de prévenir les troubles du sommeil.
Est-ce que le confinement change la vision qu’un patient peut avoir sur sa maladie ?
Certains patients peuvent minimiser leurs symptômes afin d’éviter l’hôpital et tous les lieux associés au coronavirus. Pourtant les hôpitaux sont sécurisés et prêts à les accueillir, avec en général des circuits distincts pour les patients atteints par le Covid-19 et pour les autres.
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Que dire aux personnes qui n’osent plus se rendre chez le médecin à cause du confinement ?
Actuellement, le coronavirus est désigné dans le discours collectif comme l’ennemi public numéro un, contre lequel luttent tous les soignants. Cette situation peut amener certains patients atteints d’un cancer à se sentir illégitimes et à ne pas se déplacer pour se soigner. Il faut répéter que les équipes de soins restent disponibles pour s’occuper des patients atteints de cancer, et leur cause individuelle est aussi importante que la cause collective. Tous les soignants ne luttent pas contre le coronavirus et ne sont pas débordés.
« Le cancer est une maladie qu’on combat avec les soignants : c’est avec eux qu’il faut continuer à l’affronter, même en période de pandémie. »
INFO + : Le site de la Société française et francophone de psycho-oncologie (sffpo) met à disposition de nombreux outils pour lutter contre l’anxiété en cette période de confinement.
Que dire à des patients atteints d’un cancer et qui se sentent isolés ?
Les patients doivent exprimer leurs besoins. Essayer au maximum de faire tout ce qui est possible à distance : appeler ses proches, demander un soutien psychologique auprès d’un des nombreux dispositifs d’écoute ou auprès du service de psycho-oncologie de son centre hospitalier. C’est important de faire attention à ses propres émotions et de savoir se poser la question « est-ce que j’ai besoin d’aide ? ». Et ne pas prendre seul, sans avis médical, de décision sur le traitement de son cancer. Même si parfois faire ce choix peut rassurer de façon erronée, en diminuant le sentiment d’impuissance et en donnant le sentiment qu’on reprend le contrôle sur sa vie ! Le cancer est une maladie qu’on combat avec les soignants : c’est avec eux qu’il faut continuer à l’affronter, même en période de pandémie.
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Propos recueillis par Paule-Émilie Ruy